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Introduction à la ‘pataphysique 2

Fondamentaux à l’usage des Grands Commençants
Chrestomathie élémentaire
( choix de textes par Adonis Colgue )
 

Table :
Prolepses…

Vers la ‘Pataphilosophie…
Logique et Ontologie
Morale
Esthétique, Poétique, Critique.

Lévitation
janvier 2006…

 
< Le langage qu’il faut employer avec nos congénères, celui qu’il faut entendre même sans y participer, celui que ( par faiblesse ou pour l’information, ce qui est tout un ) nous nous laissons aller à lire… … ce langage insinue en nous ses catégories, ses critères, ses anesthésies… Et c’est ainsi que soudain des Membres du Collège… se mettent … … à être des hommes de leurs temps ! >
Emmanuel Peillet et Serge Senninger, Provéditeur-Provecteur, etc…
Collège de Pataphysique, Pour la Sous-Commission des Révisions, Subsidia Pataphysica zéro


 PROLEPSES

  1. Que la ‘Pataphysique n’est point une sotériologie…
    … Nous ne soignons pas. Nous ne voulons rien réformer, ni < sauver > . Ni par le scandale, ni par les indignations, ni par les orgasmes, ni par les effusions. Nous ne sommes pas des exhibitionnistes lyriques ou surréalistes. Nous sommes de modestes érudits qui travaillons à une vaste besogne, dont l’ampleur même est difficile à apercevoir ; et nos moyens sont matériellement fort limités : nous en avons pleine conscience, mais nous ne nous en plaignons pas ; nous sommes < armés d’une ardente patience > et nous n’avons d’ailleurs pas de but à atteindre, au sens où les hommes – en une pataphysique toute involontaire – entendent cette locution. Nos méthodes et notre esprit sont ceux de la < science > : nous observons, nous enregistrons, nous nous abstenons des jugements de valeur, esthétiques ou moraux : ceux-là mêmes, nous les ethnographions scientifiquement. La < science >, elle aussi nous l’étudions ainsi.
    Et la ‘Pataphysique même ne se pose que comme pataphysique…
    J. Mauvoisin, R. ( Cahier 22-23 )
    **
  2. Qu’Alfred Jarry n’est que le premier des ‘pataphysiciens…
    Pour le Collège, Jarry n’est ni un prophète, ni un messie mais seulement le premier des Pataphysiciens : titre qu’il est difficile de lui contester, car s’il en fut d’autres, et peut-être de plus < grands >, Jarry, le premier, a eu le mérite d’expliciter la notion de pataphysique et de la mettre à sa place. D’ailleurs ces questions de < grandeur > n’ont pas de sens pour nous, en vertu du postulat de l’Equivalence. Une page du Bottin a pour nous la même Valeur qu’une page des Gestes et Opinions du Docteur Faustroll…
    Marie-Louise Aulard, R. ( Dossier 15 )
    **
  3. Que toute Société est imaginaire …
    La < chose sociale > est très purement fictive : engendrée par la fiction et engendrant la fiction. N ‘en donnons qu’une très effective illustration : la société est si fictive que la société dite réelle ( elle-même !) ne paraît jamais la vraie ni la bonne ; la cité future ( paradis, restauration, révolution ) semble meilleure, simplement parce qu’elle est encore plus fictive.
    Bernard Francueil, R. ( Dossier 9 )
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  4. Que la ‘pataphysique n’est pas une entreprise de démystification…
    Aux démystificateurs qui règlent leur entreprise de critique des mythes sur les plus usés et les plus rances des mythes en cours, nous serions tentés de préférer les théologiens qui eux du moins ont le mérite d’avouer sans façon leurs petits absolus.
    Marie-Jouise Aulard, R. ( Dossier 15 )
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  5. Que la ‘Pataphysique n’est point  » l’humour « …
    L’Humour, par un involontaire humour de la mode, est devenu métaphysique et déontologique. Il y a quelques années, comme une revue parisienne priait ses collaborateurs de définir l’humour, le résultat fut édifiant : nul ne voulut passer pour un farceur, et chacun fit clairement savoir que, s’il avait de l’humour, c’était avec les plus solides garanties philosophiques, éthiques, logiques, psychanalytiques, sociologiques, etc. étalées le plus naïvement du monde.
    Seul le T.S. Jacques Prévert réagit :
     

 Faire ainsi de l’humour sur l’humour, éluder ces ingénues justifications sans leur en substituer d’autres, oser considérer les solutions imaginaires comme telles, envisager les opérations < au 2° degré > et de là passer au < N° degré >, telle est la prétention pataphysique.
*
C’est Alfred Jarry qui, le premier, clairement, l’a définie et l’a représentée dans sa vie et dans son oeuvre…
… Or… on en fait un < humoriste > ; ou, si l’on sent vaguement ce que ce mot a de déplacé, on se borne a < parler d’humour >, ce qui engage moins, surtout en colorant d’une épithète.

On a présenté -et l’on continue- Ubu comme une satire de la bourgeoisie, ou, -au mieux- de l’homme, en s’empressant d’enchérir que c’est la plus violente et la plus dépouillée de toutes ! Le reste de son oeuvre déconcerte. On s’en tire en y devinant les signes précurseurs de la littérature surréaliste et autre, et, ce brevet d’avant-gardisme décerné, en répudiant le reste comme médiocre ou mineur.
… L’humour est une naïveté non-scientifique, comme l’épicerie – même la plus épicée. Car pourquoi se défendre ? Pour faire de l’escrime ? Ah ! ici nous nous comprendrions, en beau langage de bottes et selon un formalisme savonneusement cérémoniel. En dehors desquels la pataphysique ne peut être qu’au-dessus -de la défense comme de l’attaque – qu’elle considère du dehors et tout uniment.
Cette équivalence pataphysique, selon laquelle tout est également important ( aussi bien que rien n’a d’importance ), a été après Jarry, drastiquement illustrée par un autre pataphysicien de grande classe, Julien Torma ( 1902-1933), notamment dans ses < Euphorismes >. En une page exemplaire et preste, il a remis Jarry et son oeuvre à leur place, infiniment plus loin que ne le pensaient ses enragés supporters. La méprise n’est plus possible ( et en même temps, elle est parfaitement justifiée ). Seul le profane peut croire que Jarry attaque Ubu, alors qu’il l’aime, l’admire et l’assied au plus haut échelon de l’échelle des valeurs : son essence est d’être la Valeur suprême et l’Avaleur aussi ; c’est le modèle des bons Chefs. Et Faustroll somme tout ce que la littérature, l’alcoolisme, l’art, la science ont élaboré de plus incontesté et de plus compromis.
Il y avait de quoi déconcerter. En 1897, le jeune et fin Léon Blum restait perplexe devant < les Jours et les Nuits >, croyant y voir une satire ubuesque mal réussie ! Ainsi jarry a pris au dépourvu les plus subtils de ses contemporains -et des nôtres. Les uns cherchaient leurs mythes politico-sociaux, les autres, en mal d’ancêtres, tâchent de trouver l’esquisse annonciatrice de leurs personnels chefs-d’oeuvre.
Jean-Hughes Sainmont, ( Cahier 26-27 )
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  1. Que la ‘Pataphysique va toujours de l’avant…
    La ‘Pataphysique va toujours de l’avant puisqu’elle est immobile dans le temps et que le temps, lui, est rétrograde par définition puisque l’on nomme < direct > celui des aiguilles d’une montre.
    Boris Vian S. ( Cahier 19 )
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  2. Arcane, voile et mystère : Que la ‘Pataphysique n’est point une expression de l’occultisme.
    … Osons dire que les voiles de l’Arcane sont l’Arcane même, si on les envisage au second degré. Ainsi que le rappelait Sa Magnificence, dans les Prolégomènes aux < Visions actuelles et futures > : Omnis revelatio est re-velatio. Or réciproquement ne faut-il pas poser : Omnis re-velatio est revelatio ? C’est le voile qui crée le mystère…
    Tel est sans doute le mérite de l’occultisme et de l’ésotérisme, leur miracle : ils rendent à la vie de la curiosité des idées à demi-mortes, grises et usées, grâce à l’attrait du grand inconnu. Mais on comprend qu’elles ne soient pas révélées de but en blanc : il y aurait déception. Car du Disciple au Maître, il y a changement radical de point de vue. Le Disciple espère une illumination qui le transformerait lui et sa vie ; le Maître se contente de transformer les autres. Le premier croit que la Révélation va révéler une chose nouvelle et merveilleuse; le Maître est assez mûr pour que, sous une forme ou une autre, on ait pu lui faire sentir que la Révélation n’apporte rien si ce n’est la Révélation qu’IL Y A une Révélation : son contenu importe peu. Précisément pour le Maître l’essentiel est d’enseigner. Ainsi l’objet même des Révélations est indifférent : ce qui importe c’est de bien persuader les autres et soi-même qu’il faut aller à cette Révélation : au début on est soutenu par la curiosité, puis peu à peu on se dépouille, on s’épure, on s’abstrait jusqu’à savoir qu’il n’y a pas de question et que l’essentiel devient de préparer les autres à parcourir ce chemin. C’est pourquoi les voiles, loin d’être des accessoires importuns, sont la substance même de la révélation. Et ce que nous dions ici s’applique, autant qu’à l’hermétisme, aux dogmes religieux, à l’eucharistie, à la < foi >. Fides substantia rerum sperandarum, dit St Paul…
    … Nous autres Pataphysiciens savons de science sûre que la Lettre est tout, que le Particulier est seul réel, que l’Exception est la loi : bref que le Voile EST le Mystère…
    … On peut alors, comme un grand Hermétiste, le plus grand de tous sans doute et qui fit trembler le monde, Hassan, Maître des Assassins ( cf Jarry, L’Amour en visites, chap. 10 : le Vieux de la Montagne ) révéler aux suprêmes initiés, au-delà de toutes les doctrines, l’ultime secret : Rien n’est vrai, tout est permis…
    V. Plomb et J. Brunet ( Cahier 13-14 )
     
Subsidia pataphysica 0 28 tatane92 E.P. Sous la spirale, l’Organon de Vrigny


Logique et Ontologie
Vérité / Subjectivité / Divinité / Objectivité / Réalité / Clinamen / (in) intelligibilité

 

  1. Du subjectivisme radical :
    que la connaissance – fût-elle « rationnelle » ou  » scientifique « –
    ne saurait échapper à l’anthropomorphisme.
    …Cette nature pataphysique de l’Espace et du Temps – que, pour notre part et pour le Temps, nous avons déjà soulignée dans notre préface au Calendrier Pataphysique – fait ressortir le caractère illusoire et gentiment naïf de la notion d’objectivité, telle que l’entend la mode scientifique d’aujourd’hui. Cette notion, par une antinomie savoureuse et qui la rend très précieuse à nous autres pataphysiciens, est en effet toute anthroponoïaque et a encore bien moins de réalité qu’une limite, par exemple. On pourrait en dire d’ailleurs autant de la notion même de réalité.
    Ainsi dans la Science, qui s’entoure de tant de prétendues précautions pour s’enfermer dans les bornes de cette simulacrale objectivité, les concepts purement pataphysiques abondent, et nous ne craindrons pas d’affirmer que toutes ses spéculations en sont heureusement ( à notre sens ) entachées -ou adornées. La physique et la chimie contemporaines, dès qu’elles deviennent une systématique, ne portent plus sur les faits proprements dits, mais sur des interprétations symboliques de plus en plus abstraites et qu’on admet, nous dit-on, parce qu’elles expliquent les phénomènes : mais elles sont sans commune mesure avec les constatations empiriques et les débordent infiniment de toutes parts.
    La science est entrée dans le rêve. Elle rêve mathématiquement le monde. L’ancienne métaphysique n’avait pas osé telle orgie.
    **
    Sans doute, on nous objectera des réalisations techniques : mais elles sont loin de vérifier les concepts, qui, veut-on croire, les supportent. Elles ne partent que des faits empiriquement enregistrés qu’on a revêtus de cette coruscante parure pataphysico-mathématique. Il n’est que d’apercevoir avec quelle désinvolture la Science change de visage et fait de la vérité l’erreur, sans que cela empêche les appareils de fonctionner. Ce ne sont pas les raisons qui leur manquent. < En réalité > dans le domaine des solutions imaginaires, tout est toujours possible, et ce n’est pas nous qui nous en plaindrons.
    Les esprits-scientifiques sourient aujourd’hui ( si tant est que des esprits le peuvent ) de la notion d’ether : car cette < réalité > si irréelle n ‘avait d’autre < vertu > que de permettre, entre autres, la transmission de la lumière et de la chaleur. Si l’on avait la bonne foi de s’interroger sur ce que représentent exactement les notions d’atome et celles qui en sont dérivées, aussi bien que celle de fonction en biologie, etc., on verrait qu’elles sont identiquement de même nature : un rôle déguisé en substance, et ce mot de rôle a plus d’une acception. Mais bien peu osent le penser, et cette confusion merveilleuse n’est pas pour nous déplaire. Car elle répond, selon nous, à la < réalité > la plus totale, à la seule même, qui, comme l’énonçait capitalement Sa Magnificence le Vice-Curateur -Fondateur du Collège de Pataphysique dans sa Harangue inaugurale dudit Collège, dépasse et exsupère toute réalité, et où l’irréel se même indiscernablement au réel.
    A cet égard, l’actuel émule le plus notoire du Dr Faustroll, après Sa dite Magnificence, n’est autre que son très digne collègue le Dr Albrecht Einstein. Il est plausible en effet de penser, que dans l’oeuvre de cet éminent physicien, à un certain degré, la spéculation s’élance, hors de tout contrôle et même de toute discussion possibles, en une arabesque fastueuse et baroque qui n’a plus de valeur que pour la seule jouissance du virtuose, -lequel, on le sait, ne s’intéresse guère aux vérifications expérimentales quand elles ont lieu. Il connaît trop leur caractère partiel pour qu’elles signifient à ses yeux. Il est d’ailleurs l’auteur de cette formule qui pourrait, après celle d’Alfred Jarry, définir la Pataphysique et que le présent Commentaire semble illustrer à l’envers :
    Ce qu’il y a d’incompréhensible, c’est qu’il puisse y avoir quelque chose de compréhensible.
    Toutefois, quels que soient les titres de cet illustre savant à notre admiration pataphysique, il faut bien ajouter que ses diverses fois – et notamment en une sorte de divinité mathématique du monde -ne nous semblent pas à tous les instants conscientes de ce qui à notre sentiment est leur vraie justification. Le Dr Faustroll tout au contraire. On sait qu’ à l’ < Etes-vous chrétiens ? > d’un trouble double d’Emile Bernard, Faustroll répond : < Je suis Dieu > ( ch. 14 ). Il est facile de découvrir tout le bien-fondé d’une telle réponse.
    Dieu – le Dieu même de la Tradition- ne saurait être qu’une sorte de pataphysicien suprême, puisque pour lui, l’imaginaire et le réel sont indiscernables et qu’il lui suffit de penser les mondes pour qu’ils soient. Or tel est bien aussi le propre du Dr Faustroll. Comme la dissertation valéryenne ( article de Valéry sous la rubrique Méthodes, Mercure de France, mai 1899 – à propos de The Time Machine ) nous l’a fait comprendre d’inverse façon, est le maître du temps, par le jeu des contradictions et la simultanéité des mondes imaginaires. Mais alors que Dieu est Dieu par nature ( il ne pourrait pas faire autrement que d’être ce qu’il est, comme ironisait Julien Torma ), Faustroll n’est Faustroll que parce qu’il lui plaît. C ‘est sur Dieu une supériorité telle qu’il est pleinement fondé à se dire Dieu. Dieu, lui, n’existe pas, parce que c’est un autre qu’il l’est : Jarry a souvent joué sur ce thème pataphysique et d’abord dans César-Antéchrist. Tandis que Maldoror n’est qu’un rival de Dieu, Faustroll est si supérieurement Dieu, qu’une boutade- rien de plus qu’une boutade -lui suffit pour le mentionner.
    Jean-Hughes Sainmont ( Cahier n° 2 )
  2. Que cet anthropomorphisme est culturel et épochal.
    … Il faut aussi noter que chaque époque transpose poétiquement, dans sa conception du monde, sa préoccupation majeure. Il y eut ( entre autres) l’idée du Fabricateur correspondant au souci de réussir à créer des objets. Quand ce souci fut neutralisé par le perfectionnement des techniques, il y eut le dieu « Peu à peu « , dieu du 17° et 19° siècles, correspondant à la préoccupation des lentes usures et des croissances – mythologie de l’Evolution, du Progrès, etc., que, providentiellement et naïvement le bon Père Theillard de Chardin sut réconcilier – après la bataille ! – avec celle du fabricateur. Aujourd’hui le temps s’est rétréci et  » on n’a plus le temps « , aussi les cataclysmes commencent à ressurgir dans les explications ; ils se pressent aux portes de la  » science  » qui commence à les réadmettre. Le baron Cuvier, avec ses révolutions du globe, fera bientôt figure de précurseur. L’homme se sent menacé. Et tout naïvement nos savants installent au centre même de la  » formation  » du monde l’idée du cataclysme sans nom qui opère une exemplaire synthèse ( mais bien fragile) entre la création et la destruction…
    Bernard Francueil ( Dossier 14 La Genèse de l’Univers va-t-elle être photographiée ? )
  3. Que le postulat de l’Equivalence pataphysique s’applique à toutes choses.
    … Il n’y a donc plus aucune différence, ni de nature, ni de degré entre les esprits, non plus qu’entre leurs produits, non plus qu’entre les choses. Pour le Pataphysicien total le graffito le plus banal équivaudrait au livre le plus achevé, voire aux Gestes et Opinions du Docteur Faustroll eux-mêmes, et la moindre casserole fabriquée en série à la Nativité d’Altdorfer : qui d’entre nous oserait se croire arrivé à cette extravoyance? Tel est pourtant le postulat de l’Equivalence Pataphysique sur lequel, comme le cycle hippoxylique sur son pivot, indiscernablement trouvent leur tournoyante base les mondes de mondes et les ersatz d’esprit. Ainsi, quoique la démocratie ou démophilie ne soit pour lui qu’une fiction parmi les autres, la Pataphysicien est-il sans aucun doute le seul détenteur du record absolu de démocratie: sans effort il surpasse les égalitaires en leurs propre spécialité…
    Dr I-L. Sandomir ( Testament )
  4. Que l’être est contingent et que nos représentations sont des fictions.
    … Le Monde est une gigantesque aberrance, qui, d’ailleurs et de partout, se fond dans une infinité d’autres aberrances. Ce que nous en disons étant fiction de fiction. La naïveté des hommes ( autre évagation) a nommé Raison ce qui n’est qu’une possibilité ( entre plusieurs ) de faire apparaître l’incommensurabilité de cette sur-aberration et de découvrir qu’elle n’est ni une, ni multiple, mais ambigument chatoyante et coruscante…
     … ( la réalite ) toujours incertaine, toujours infidèle à elle même, toujours inexacte aux rendez-vous et aux dimensions, insatisfaisante pour nos géomètres qui sont toutefois incapables de lui opposer un invincible système, lesté de l’accord universel, par rapport auquel on définirait ses écarts : ainsi la plus Exacte des  » sciences « , cette géométrie est-elle tout autant que les Inexactes, une  » solution imaginaire  » en sa prétention même …
     Dr. I-L. Sandomir ( Testament )
    11a. Du clinamen.
    …Car c’est ce clinamen principiorum, si faible qu’on peut le tenir pour négligeable ( diraient les modernes ), si incertain qu’on en peut rien dire, si limité qu’il ne change pratiquement rien au mouvement linéaire, – c’est cependant lui qui, s’additionnant à lui même, permet à TOUT, – et par-dessus le marché, à l’homme d’être libre ! Sans lui, les atomes, en effet, ne se rencontreraient jamais, dont les chocs, rebondissements, agrégations et mutations sont la réalité …
    11b. Que l’indétermination est au coeur de l’ être comme de l’explication.
    … ( Epicure  ) a osé mettre une indétermination, au centre de toute l’explication du monde, dans l’élément primordial. On sait que Heisenberg, Planck et le Prince de Broglie n’ont fait que chercher à traduire mathématiquement cette idée dans l’appareil de la microphysique. Plus récemment encore, les théoriciens de la Turbulence pressentent un gigantesque clinamen applicable aux mouvements des astres à l’intérieur des galaxies et à ceux des galaxies elles-mêmes dans le ou les ensembles qu’elles formeraient, analogiquement à ce que la Mécanique Ondulatoire tente de  » ne pas nous faire comprendre  » de l’infiniment petit.
    Bergson, qui avait reçu une formation encore newtonienne, accordait à Démocrite sur Epicure une supériorité d’anticipation, que l’évolution des sciences a démentie. On dirait aujourd’hui qu’Epicure avait senti ce qu’avait de trop facilement intellectualiste le schéma de l’Abdéritain. Sera-ce assez dire ? … Epicure est beaucoup plus subtil que nos savants, bien que dépourvu de leurs instruments et de leur < culture >. Ce qu’ils croient découvrir peu à peu dans les faits, il l’a dans l’inobservable, découvert par pure spéculation.
     Il a saisi qu’au centre de toute pensée comme de toute réalité ( qui n’est jamais pour quiconque qu’une pensée de la réalité ), il y a une aberrance infinitésimale, une inflexion impensable, qui cependant oriente ou désoriente tout. Le clinamen est donc bien autre chose qu’ un < hasard > ou qu’une < chance > comme on le dit souvent. C ‘est une notion dérisoire qu’Epicure a eu l’audace de placer au principe, alors que les autres ne l’accueillent, par concession à l’humaine fragilité, que sur les marges de la connaisance quand ils traitent – après avoir exposé la vérité, rien que la vérité – de l’erreur.
      Oktav Votka, S ( Cahier 22-23)
    … Le mot explication est significatif. Le Modérateur Amovible semble bien dire qu’ Epicure a compris que toute explication comporte, qu’on le veuille ou non, une indétermination, et qu’à cause de cela il la pose au départ de façon logique et symbolique à la fois, puisque c’est le clinamen qui permet la production des mondes.
    V. Plomb ( Cahier 25 )
     
     DE LA MORALE
  5. Que la pataphysique est un conventionalisme axiologique.
    … Les étudiants en philosophie se rappellent peut-être l’Allemand Hans Vaihinger et sa philosophie du < als Ob > : il enseignait, avec quelque lourdeur mais non sans persévérance, que nous construisons notre propre système de pensées et de valeurs et que nous vivons ensuite  » comme si  » la réalité s’y conformait…
     Roger Shattuck ( Au seuil de la pataphysique )
  6. Que l’absurdité de l’existence est indifférente.
    … La vie, c’est entendu, est absurde mais c’est parfaitement banal et il est grotesque de la prendre au sérieux. Surtout pour s’en indigner ou l’attaquer…
    ibidem
  7. Que la ‘pataphysique n’est pas un drageon des existentialismes.
    … Il sied d’avérer, et nous l’avérons, que toutes les philosophies – et Faustroll sait qu’à notre âge qui est grand, nous en avons conspecté de toutes les bigarrures – la philosophie, précisée  » existentielle « , avec tous ses sous-produits, est probablement une des plus propres, sinon la plus propre, à susciter la féconde et scientifique évagation du Pataphysicien. Il faudrait sans doute remonter jusqu’à l’incomparable Zohar, encore que nous sortions de la philosophie strictement dite, ou en moins profond, jusqu’aux Harmonies de la Nature, pour trouver un catalyseur pataphysique d’une telle efficace…
    Dr I-L. Sandomir, Prophase à Etre et Vivre d’Alfred Jarry.
  8. Que toutes les morales s’équivalent.
    … De bons observateurs scientifiques m’ont dit, et je n’ai aucune raison de douter de leur témoignage, que des sectateurs du Progrès et des adorateurs de la Tradition, que des initiés à des cultes féroces générateurs des plus intéressants massacres, et bien des illuminés croyant aux dieux abstraits du juste ou du beau, sont impossibles à distinguer quand on les regarde ou les flaire même attentivement…
    … Il y a d’abord le Progrès, la Libre Pensée et la Laïcité, et sur le même plan la Science; c’est dans les mythes humains le décalque exact de la Sainte Trinité: le Progrès est le Père, parce qu’il engendre, la Libre Pensée est le Verbe ( avec ses deux natures en une personne ), qui est éternellement engendré par le Père, et la Science est le Saint Esprit qui procède du Père ou du Fils et qui est leur émanation substantielle, leur raison d’être, si ce mot relatif peut s’appliquer à ces réalités transcendantes…
    … deux sectes de sorciers se querellent pour de simples questions de mots qui peuvent recouvrir des rivalités de clientèles : Science contre Saint Esprit, ou Matérialisme historique contre Empirisme Organisateur, que sais-je ? …
     Lutembi S. Le problème de la Croyance au 20° siècle et la Religion de Monsieur Lucien Fèbvre ( Cahiers 13- 14 )
    … Ils ont beau s’attaquer réciproquement à cause de leurs différents totems, ou même, pour certains enragés, à cause de leur soi-disant < irreligion  » > ( concept encore plus humain que son antonyme ); en réalité, on le voit par ce test, ils ont tous le même point de morsure ( expression chère au T.S. ) en ce qui concerne les martyrs ; ils en ont tous, ils en fabriquent au besoin ( ce ne sont pas toujours les mêmes mais ce n’est là qu’une broutille ), et ils manifestent ainsi une nouvelle fois, qu’il n’y a qu’une seule < religion > pour tous en vos régions déshéritées, sous l’apparente et factice diversité de détails sans importance. Tout cela est profondément humain…
    Luembi S. Jarry martyr ? ( cahier 20 )
  9. Que les diverses morales possèdent une unité de nature et de fonction.
    … ( Toute morale propose ) une possibilité de choix, au moins entre deux options ( bien ou mal, orthodoxie ou hétérodoxie, scientisme ou obscurantisme, marche vers l’Avenir – radieux – ou stagnation dans le Passé – infect -, bonnes ou mauvaises mœurs, etc. ) … Mais quelles que soient ces options, le résultat est, pour le réconfort des Pataphysiciens, aussi bien que les autres, tenacement identique. La constatation est, comme on le sait, de Julien Torma. De quoi s’agit-il en toute morale ( même individualiste ) ? Obéir d’abord, sous quelque prétexte que ce soit, à ceux qui commandent ( sauf dans les rares cas où il y en a qui sont mieux autorisés à commander parce qu’ils commanderont effectivement demain ) ; quant à ceux qui commandent, leur devoir est de commander ; ceci de par leur Mission divine ou historique, ce qui est la même chose. La règle d’or, en cas de délit ou de faute, reste : ne pas se faire prendre ; être en règle avec tous les gouvernements extérieurs, intérieurs, d’en haut, du fond, du pro-fond. La vertu est, de tous les moyens d’y parvenir, à la fois le moins dangereux et le plus efficace, en presque tous les cas. Tel est le dogme intangible. Pour le reste, les excursus philosophiques, métaphysiques, sociologiques, psychologiques, utilitaristes, révolutionnaires, etc., en reviennent simplement à justifier, de façon plus ou moins compliquée, les mœurs en vigueur, et jusque dans leurs plus délicates nuances…
    Amélie Templenul, Unité des Morales et de la Morale ( Cahier 21 )
  10. Que le Progrès et la Sincérité sont les idoles contemporaines.
    … A l’observateur curieux des mœurs de l’intelligentia, il apparaît que deux < valeurs > surpassent actuellement toutes les autres en  » valeur « : le Progrès et la Sincérité… Dans cette vaste Banque morale des Valeurs, les actions et obligations qui relèvent de ces valeurs-là, sont celles qui gagnent tout le reste de la circulation monétaire…
     … Mais le mari -c’est-à-dire le « < Progrès « >- est vieux déjà. Il a beaucoup servi au 19° siècle ; et en vieillissant, il a changé. Jeune, il était irrésistible, vainqueur et perfecteur : seuls, de naïfs campagnards ou marxistes y croient encore sous cette forme. Les autres, les non-naïfs, les experts, les marxistes avertis, les pessimistes, les sceptiques n’y croient d’ailleurs pas moins, mais admettent qu’il faut prendre des précautions et le < sauver >, perpétuellement, auxquelles conditions ce progrès, devenu plus émouvant parce que plus fragile, continue, rigoureusement la même, sa radieuse marche en avant dans … les imaginations … On en est toujours à Plein Ciel de Victor Hugo..
    … Cependant, si solide que reste la position boursière du vieux Progrès, l’analyste attentif ne manquera pas de discerner au 20° siècle, un fétiche beaucoup plus efficace ou pour continuer à parler d’or, une < valeur > plus sure encore et plus généralement monnayable…
    … On le voit même si l’acte de foi n’est point selon le bon dogme ou les meilleurs rites, néanmoins, la sincérité sauve la < valeur > morale. Pour l’efficacité, bien sûr, on repassera. Mais les consciences délicates, même marxistes, savent montrer qu’elles apprécient cette subjectivité…
    … Même les attentats contre le Progrès ou contre l’Humain, qui, c’est connu, ne sauraient être absous.., sont néanmoins comme minimisés et voient leur perversité en quelque sorte diluée par le versement de quelque somme que ce soit de Sincérité…
    … Le seul crime impardonnable, ineffaçable, inexpiable, le < péché contre le Saint Esprit > de l’Evangile Moderne, c’est l’absence de sincérité. Elle prend bien des formes : la mystification, la contradiction volontaire avec soi, le manque de sérieux, le refus de révéler ses sentiments, le refus d’en avoir à révéler, l’inavouable en un mot…
      …Cette Sincérité est une attitude comme une autre. On la prend : donc on en joue. Tartuffe est seulement un mauvais joueur, qui avait besoin d’un imbécile de l’envergure d’Orgon pour réussir à faire une dupe. Un  » authentique  » Saint est un Tartuffe beaucoup plus fort. Ou, si l’on veut, le seul et authentique Tartuffe est le Saint…
     Philippe Vauberlin, De la Sincérité phynancière ( Cahier 21, passim )
  11. Que l’humanisme est une sottise et une mystification.
    … L’Humain, valeur ferme sur tous les marchés et d’une belle souplesse dans les crises ou même les Krachs, a été d’abord un simple substitut au Progrès. Tel est l’Homme de V. Hugo. Aujourd’hui l’Humain semble une synthèse du Progrès et de la Sincérité, du Social et de l’intérieur , une sorte de produit hermaphrodite de l’accouplement de nos deux grands Dieux. Ainsi l’Humain de MM. Camus, Sartre, ou des rédacteurs d’Europe…
    Philippe Vauberlin ( ibid )
    … Jamais plus qu’en ces temps, on n’a parlé d’Humain, d’Humanité, voire d’  » homme humain « , et même de Personne ou de Personnalisme: notions grossièrement propinatoires – ou, ce qui revient au même, spécifiques de l’éloquence ministérielle aux comices culturels et aux distributions de prix virtuels. On couronne tous les lauriers, on nimbe de toutes les auréoles cette moyenne, cette absence, cette nullité. Car n’est-ce pas ce que signifie le mot personne ? L’homme n’est pas. C’est une PERSONA, un masque posé sur l’animal qu’on suppose, pour la commodité de la démonstration, le plus évolué de tous. Ou encore c’est un rôle appris et plus ou moins su, comme ceux des pensionnaires de l’Ile du Docteur Moreau. Fiction théâtrale et dont les seuls spectateurs sont d’autres cabots…
     … » Dieu,  » ce méchant plumage « , avait au moins la transcendante supériorité d’être l’irréelle projection de l’irréel Homo Pataphysicus, tel que même les plus arriérés des Pithécoïdes glabres et anoures ne pouvaient manquer de se le représenter…
    … Or, contrairement à ce que croient les penseurs logiques et progressistes, l’Homme à majuscule est qualifié bien plus prétentieusement que ce simple Dieu. Pataphysique qui se nie, – et qui par là est impuissante à être anti-pataphysique . L’  » H « omme se prétend  » réel « : il entoure cette irréelle  » réalité  » de fictions juridiques destinées à la garantir et, dans sa simplicité, il les veut croire insérées dans un ordre naturel ou historico-dialectique. Qu’elles ne soient pas moins illusoires que cet ordre lui même, c’est pourtant ce que lui démontreraient l’histoire et la vie, si la démonstration comme l’histoire et la vie, n’étaient elles même que scurriles chimères, des contes féeriques ou des moralités puériles, trop visiblement exigées par des adultes apeurés et talonnés du besoin de se rassurer. Tel un diplomate que des anthropophages préparaient pour la cuisson, l’Homme revendique des égards! Il trépigne enfantinement en songeant qu’il sera balayé comme les homériques feuilles d’automne. Et il n’arrive pas à saisir, tout en le soupçonnant pourtant, que ces égards sont uniquement et prépondéramment pataphysiques…
    I-L. Sandomir ( Testament )
  12. Que la pandémie humaine semble un processus irrésistible.
    … Les guerres n’ont apporté qu’un palliatif dérisoire. Dans le dernier quart de siècle nous en avons eu de bonnes, qui semblaient avoir pour effet une heureuse élimination de matière humaine. Peine perdue, la progression a continué aussi régulière. Et l’appoint des inondations chinoises, des famines hindoues a été insignifiant…
    … contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est l’accroissement d’une espèce qui met son existence en danger : dans un champ, quelques spécimens d’une plante peuvent se reproduire pendant de nombreuses années : si pour quelques causes, ils se mettent à pulluler, c’est alors que l’année suivante on pourra constater une totale disparition…
    … Les hommes, dit un célèbre poète grec, Homère, sont comme les feuilles des arbres…
    Jean Smaragdis, Rôle bienfaisant des Armes Nucléaires ( Cahier 21 )
  13. Que l’histoire est répétition.
    … Dans ces deux textes magistraux … on découvre peu à peu la grande idée, dont Nostradamus fait le postulat de l’évolution universelle. Ce postulat c’est qu’il n’y a pas d’évolution, ni, au fond, d’histoire. Dès qu’on regarde d’un peu haut de la maison-observatoire de salon ou simplement du haut de la Peste – la différence entre les époques, la couleur locale, l’évolution des idées et des institutions, la balancement des peuples apparaissent comme des quantités infinitésimales …
    I-L. Sandomir (Testament )
     21. Que l’agitation, l’affairement, les tribulations et divagations de ce monde
    constituent le véritable Collège de Pataphysique.
    … Depuis la mort apparente d’Alfred Jarry, il semble que l’humanité ait inconsciemment pris à tâche d’incarner – non pas plus réellement car ce n’est pas possible, – mais plus ouvertement et plus fulgurament, l’ampleur explosive et l’indéfinie profusion de la Pataphysique ( Profond silence révélant l’extrême attention ). Notre premier Décervelage Mondial et la paix qui s’en suivit, nos prospérités et nos crises, nos surproductions et dettes conjuguées, notre moral et notre défaitisme, l’esprit vivificateur et les lettres assassines, nos mythologies scientifiques et nos mystiques, nos vertus civiques ou militaires et nos lois révolutionnaires, nos désespoirs platoniques et autres, nos fureurs fascistes aussi bien que démocratiques, notre occupation et notre libération, notre collaboration comme notre résistance ( aucun mouvement divers ), nos triomphes et nos immolations la diaphanéité de nos maigreurs comme la noirceur de nos marchés, puis, la reprise imperturbable et inévitable des criailleries du forum, nos radios, nos journaux, nos organismes nationaux et internationaux, nos tribunaux de règle et d’exception, nos pédagogies de tout poil, nos maladies et nos manies, tout ce qu’on écrit, tout ce qu’on chante, tout ce qu’on dit et tout ce qu’on fait, toute cette masse d’impayable sérieux, toute cette inexorable bouffrerie, ce Colisée de blablabla semblent avoir été concertés avec une admirable application pour qu’aucune fausse note ne vienne déparer cette universelle et impeccable Harmonie Pataphysique. ( Tonnerre d’applaudissements ) …
    … Pataphysiquement on peut dire que tout est pour le mieux dans le plus pataphysique des mondes possibles. Il ne saurait y avoir plus de Pataphysique qu’il n’y en a dans ce Monde-ci, parce qu’il n’y a qu’elle. Il est dans toute sa dimension le véritable Collège de Pataphysique…
    Dr I-L. Sandomir ( Harangue Inaugurale )
  14. Que la ‘Pataphysique n’est pas plus pessimiste ou optimiste qu’elle n’est anarchiste voire nihiliste ;
    et que ses vertus sont celles de la réceptivité et du détachement.
    … ( Le pataphysicien ) ne nie rien, il exsupère. Là comme partout. Il n’est pas venu pour abolir mais pour ademplir…
     … Nul n’est plus positif que le pataphysicien : déterminé à tout placer sur le même plan, il est prêt à tout accueillir et cueillir avec la même avenance.  » Tout m’est fruit en ce que, Nature, m’offrent tes saisons « . L’hostilité ne l’effleure même pas. Il n’a rien contre ce que le vulgaire appelle délire ou insanité, ni contre ce que les habiles traitent de sottise. Il y voit strictement autant qu’en habileté ou la sagesse : car dans la vie, cette folie est pour beaucoup une très suffisante raison d’être et en définitive un congruent ameublement de leur pensées…
    Dr I-L Sandomir ( Testament )
  15. Que la ‘pataphysique est équanimité.
    ( Traduction )
    … Si je parlais tous les idiomes des hommes et des mediums, et que je n’aie pas la ‘Pataphysique, je ne suis qu’une sorte d’airain sonnant ou de cymbale retentissante. Et si je n’avais le don d’extralucidité, si je ne connaissais les arcanes et la science totale, si j’avais la foi qui déménage les monts, sans la ‘Pataphysique je ne suis rien. Si je distribuais pour l’alimentation des pauvres toutes mes facultés, si je livrais mon corps à rôtir, et que ce ne soit point pataphysiquement, ce ne m’est de rien. La ‘Pataphysique patiente, elle est bénigne ; la ‘Pataphysique ne compète jamais, ne déraille jamais, elle n’est pas obèse, elle n’ambitionne point, elle ne cherche pas son avantage, elle ne s’irrite pas, elle ne pense pas à mal ; elle ne rit pas de l’iniquité : elle conjouit de la vérité scientifique ; elle supporte tout, elle croit tout, elle espère tout, elle soutient toutes choses. La ‘Pataphysique ne passera jamais : il y aura péremption des prophéties, des idiomes, de la science, voire de la réalité. Car notre connaissance et notre extralucidité ne sont que partielles et partiales. Seule la ‘Pataphysique peut tout, même en ce qu’elle ne peut pas. Seule elle est la Plénitude…
    ( Paul de Tarse, Corinthiens ) // Docteur Sandomir, Vice-Curateur-Fondateur du Collège de ‘Pataphysique, Actions de grâce ( Testament ) 
     
     ESTHETIQUE, POETIQUE, CRITIQUE
  16. Que le souci de vérité est étranger à la création.
    Beaucoup abordent la peinture persuadés d’y trouver la transcription de ce que voit le peintre. Peut-être en effet y a-t-il des peintres qui visent à reproduire ce qu’ils voient mais c’est alors activité qui s’explique mal : s’ils le voient, ils sont comblés, et pourquoi dès lors se donner tant de peine ? Pour le faire voir aux autres ? C ‘est bien de la bonté. La peinture me semble privée d’intérêt quand il ne s’agit pas au contraire de se donner des spectacles que le peintre désire voir et qu’il n’a d’autre chance de rencontrer qu’en les constituant lui-même. Le peintre, en somme, tout à l’opposé de peindre ce qu’il voit, comme le lui prête certain public mal informé, n’a de bonne raison qu’à peindre ce qu’il ne voit pas mais qu’il aspire à voir.
    Ce qu’on aspire à voir peut être de diverses sortes selon la tournure d’esprit dont on est pourvu. Certains, d’humeur philosophique et avides d’élucidations, attendent de leurs peintures qu’elles leur procure de découvrir aux choses des aspects qui, autrement, ne sautent pas aux yeux. Pour eux la peinture est une technique de connaissance, un moyen de voir mieux qu’avec leurs seuls yeux, de voir -disons au moins d’entrevoir- des choses que les yeux ne voient pas et qui procurent à la pensée des ouvertures nouvelles sur toutes liaisons et raisons. Ils sont en quête, et c’est là ce qu’il faut retenir, d’informations sur la vérité.
    D’autres peintres, je prie qu’on soit attentif à cela, ne visent pas du tout à des illuminations sur le vrai cours des choses. Soit que leur caractère les porte plutôt à créer qu’à comprendre, soit qu’ils aient peu de confiance dans la notion même de vérité au point que cette notion leur apparaisse oiseuse, ils se donnent pour but de montrer ( se montrer ) des choses qui n’existent pas, dont ils ne songent pas le moins du monde à prétendre qu’elles ont d’autre fondement que leur bon plaisir, et qu’ils se régalent à inventer pour le seul agrément de se donner des spectacles – des fêtes.
    A-t-on perdu le goût des fêtes de l’arbitraire et du fantasque et ne veut-on plus que s’instruire ?
    Ne peut-on légitimement aussi bien, une fois au moins – pourquoi pas dans certains cas, une fois pour toutes ? -prendre, au lieu du parti de la vérité ( elle n’est pas moins mouvante ) celui des changeantes erreurs et des leurres et y assumer avec entrain notre fonction de danseur ivre ? Au jour venu de la grande liesse tirer de nos têtes, comme les jongleurs chinois, les écharpes chatoyantes des incongruités et en pavoiser nos demeures, dans le tintamarre des cloches allègres de la bonne foire aux Equivalences et Inconséquences ?
    Jean Dubuffet, s ( Dossier 27 )
  17. Que l’Art est une simple solution imaginaire.
    … Je voudrais atirer les attentions ( avant que la Loterie nationale ne nous submerge ) sur un opuscule digne de prendre place auprès du Satyricon et du Cymbalum Mundi, des Fictions de Borges et du Moyen de Parvenir, des Illuminations et du Roman d’un déserteur, les Jours et les Nuits. Jarry a dû ou aurait dû le connaître, puisqu’il a laissé trace d’études sur son auteur, Grillparzer ( cf Cahier 10 ).
    Der arme Spielmann ( 1847 ) est en apparence un conte romantiquement sensible, et pour ceux qui savent quelque chose de Franz Grillparzer, un symbole autobiographique ( lettre du 19 décembre 1848 ) : à cinquante-six ans, quand il composa cette nouvelle, le poète avait depuis longtemps renoncé à publier sinon à écrire et tenait ses rapports avec le public pour un quiproquo. Mais cette étonnante nouvelle est bien autre chose : on peut y voir l’une des oeuvres les plus audacieuses du demi-siècle : l’Art ( et l’Art sous sa forme la plus sacrée et la plus intouchable ) y est traité comme une simple solution imaginaire, très purement aberrante, voire ambigument dérisoire. En ces pages, qui vont bien au-delà du reste de son oeuvre, Grillparzer annonce le retrait de Jarry et de Torma.
    Nous disons bien : < Etonnante Nouvelle >.
    Jean-Hughes Sainmont pgar. ( Cahier 26-27 )
     
  18. Que la Critique ( littéraire ou autre ) n’est qu’une manière d’enfiler les perles et les clichés.
     

Anonyme, < Passage de la Mer Rouge par les Hébreux >
Collection particulière
( La Mer rouge s’est retirée ; les Hébreux sont passés ; les Egyptiens vont arriver d’une minute à l’autre.. )
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 Cette oeuvre fut exposée au Salon des Indépendants de 19… Elle y fit sensation. C’est qu’elle procédait à une purification sans précédent du langage pictural et apportait une réponse extrêmement neuve aux postulations du figuralisme abstrait. Nous sommes néanmoins en présence de tout un faisceau de traditions, et l’artiste s’est même plu, semble-t-il, à faire ici la synthèse des différents problèmes que posaient depuis Cézanne les rapports de la couleur et de la forme, pour leur donner une solution audacieuse et radicale. La structure cézanienne reste en effet très sensible ; mais ses contrastes rythmiques ont trouvé, grâce à une modulation plus souple, l’équilibre d’une parfaite unité, analogue aux compensations de la lumière spectrale. Notons que la monochromie cubiste et le cloisonnisme de Mondrian sont du même coup portés à leurs ultimes conséquences. Mais c’est à l’espace raréfié de Tanguy qu’on pense surtout. L’horizon semble avoir aspiré l’univers visuel dans l’infini d’une troisième dimension, s’annulant lui-même et résorbant l’objet-témoin au sein d’une suprême vacuité. On sent toutefois la présence latente d’un graphisme exaspéré, comparable à la rupture d’une corde qui eût entraîné le tableau tout entier dans le cadre, où il paraît s’être réfugié, pour ne laisser devant nous que l’intensité d’une surface vibrante, -on voudrait même dire hallucinante ; car il ne s’agit pas, bien entendu, d’une création froidement abstraite, mais de l’intuition d’une réalité autre, ici très concrètement promue, selon le voeu des surréalistes : on a, au sens propre, l’impression de voir l’autre côté du tableau et d’être admis à la contemplation de l’invisible.
N. B. Toutes ces phrases mises bout à bout par les soins du Cr A.B. de Monvel, sont simplement des extraits tirés de l’Histoire de la peinture moderne de Skira ( Cahier 11 )

  1. Que tous les poètes sont chrétiens.
     Henri Bouché ( Cahier 5-6 )
  2. Que la ‘pataphysique évacue tout lyrisme.
     Jean Mauvoisin ( Cahier 17-18 )
     

 LEVITATION


Si nous admettons que l’homme est pataphysique, que tout est et ne peut être que pataphysique ( et Sa Magnificence a démontré que ne pas l’admettre c’était encore l’admettre ), il s’en suit qu’il n’y a ni description, ni explication de l’homme -pas plus que de l’univers -. Il ne s’agit point là, précisons-le, d’un refus existentialiste, car < l’irréductible > même que cette philosophie met à sa propre base ( par une contradiction que nous ne ne lui reprocherons pas), est encore, bien sûr, décor ou essence, système ou ornement, commodité de la conversation.
Pour Jarry il n’y a pas de Base ni de Terme, ni de sûreté ( ni de police ), ni d’effroi ( l’effroi est drôle), ni de rôle. On pourrait commenter par les versets d’Artaud :
Pas de philosophie, pas de question, pas d’être
pas de néant , pas de refus, pas de peut-être,
et pour le reste
crotter, crotter.
Et l’apparence pure est l’extrême réalité. L’apparition même, elle aussi.
Et pourquoi pas ? Rien ne nous oblige. Tout au plus sommes-nous contraints : contraints à vivre, à recevoir la pluie, à supporter quelques autruis, par exemple, et à mourir, mais si peu. Il en est qui veulent se donner la peine de vivre et même de mourir, qui veulent se justifier, se modifier, s’amplifier, se purifier, se confier. Ils sont citoyens, pères, soldats, poètes : chrétiens en un mot. Hommes de peine et pénibles. Ils assument la vie et avec elle leur culpabilité. Ils vivent de charité, ou de pitié ( aux deux ou trois sens de ces mots ). Ils considèrent que la contrainte qui pèse plus ou moins sur eux est aussi un devoir intérieur, un ordre saint auquel même leur esprit doit se conformer, une vérité révélée et un Bien, -et qui ne s’appelle pas seulement l’Evangile mais aussi le Progrès, la Science, la Liberté, le Prolétariat, la Dignité, l’Humour et les Pavillons de toute couleur.

César-Antéchrist est léger,
< comme un clown qui tourne sur une boule >, ainsi qu’il l’explique à la sphinge.
Rien ne l’oblige. Voilà pourquoi il est César, sans, bien entendu, commander aux hommes,
ce qui serait encore rôle et âme.
Jean-Hughes Sainmont, p.g.a.r. Petit guide illustré pour la visite de César- Antéchrist ( Cahier 5-6 )
 
( janvier 2006 e.v. )