ubu3

accueil vers ouvroir-de-pataphysique
sur la superstition et l’idéophagie philosophique

geste des opinions du docteur lothaire liogieri
Ouvroir de ‘patasophie parallèle

*
L’existence au sens ‘pataphysique ?
< C’est le hasard de la Geste par laquelle le ‘pataphysicien vient au monde, subit les obsessions politico-sociales de son temps, déserte les débats du forum, affirme sa totale cécité idéologique, et du terreau de ses fantasmes bâtit avec méthode sa propre maison
> Le balcon ‘pataphysique, Préface


 
 
Oxana, Ville Maison 2
 

 De la philosophie du point de vue 'pataphysique


 Avertissement

< … n'était de mon humeur, ni de ce dessein de parler beaucoup, croyant que l'homme a pour le moins autant de mérite à mettre judicieusement le silence en usage, qu'à parler et discourir vainement et à tous propos. Car tel sait parler qui ne sait pas se taire >
Pluvinel, Maneige royal (Présentation de L'Art équestre à Louis 13)
 
Notre propos n'est pas de composer un "traité" de 'pataphysique. La'pataphysique se montre plutôt qu'elle ne s' expose. Nous n'avons pas non plus pour dessein d'ajouter à la liste des manuels de philosophie. Il en existe d'excellents qui s'adressent aussi bien aux débutants qu'à des esprits plus confirmés.
Notre modeste intention est plutôt de présenter -à l'occasion du Programme de notions en vigueur en France, dans les classes de Lycée ( Classes terminales et Classes préparatoires)-, quelques gloses moins convenues traduisant la singularité de l'attitude 'pataphysique face à cette branche de la littérature qui se donne habituellement pour toute autre chose que de la littérature et qu'on nomme communément < philosophie >.
*
Béatitude:
<les vrais philosophes passent leur vie à ne point croire ce qu'ils voient et à tâcher de deviner ce qu'ils ne voient point> Fontenelle
 *
1.Que la'pataphilosophie n'est pas une philosophie.
En manière d'introduction :
Prise à la lettre, une "philosophie 'pataphysique" serait un oxymore rhétorique ou un solécisme verbal, voire une monstruosité logique semblable à celle du cercle-carré ou du bouc-cerf allégués jadis par Aristote.
Par 'pataphilosophie, on entendra donc une réflexion, un discours second ou encore un métalangage relatif à la situation et au contenu pataphysiques de la philosophie.
*
1.2. Quelques mots d'éclaircissement d'après les <Prolégomènes à toute 'pataphysique future>
 -La première proposition : < la 'pataphysique est la fin des Fins > traduit le dessein de se démarquer de toute recherche de " Sens ", de " Valeur ", de " Justification " de "Fondement" ; c'est à dire de tout ce qui caractérise précisément l'essence du projet philosophique -toujours en quête, depuis Platon, d' "Intelligibilité " et à la recherche du saint Graal de " la raison des choses" (Leibniz)
Qu'il s'agisse de l'être, du monde, de la connaissance ou de la conduite humaine.
Or la 'pataphysique n'est pas en souffrance de…" raison des choses ". Que "la rose soit sans pourquoi" ( Heidegger ) n'entame guère l'équilibre mental et affectif du 'pataphysicien.
La platitude du réel lui suffit.Il s'en tient résolument au moins-signifiant. Et l'inintelligibilité du réel ne le choque ni ne le trouble. Tout juste lui tire-t-elle de temps à autre un bâillement.
-La deuxième proposition : < la 'pataphysique est le relevé des solutions imaginaires >, exprime le contenu de l'initiative 'pataphysicienne en partant d'un banal constat : l'humanité est une espèce rêveuse.
< l'homme, ce rêveur définitif… > s'exclament Nerval et à sa suite Breton…
Et dans un registre différent, exister c'est, selon Montaigne : croiser, fréquenter et…supporter " les songes des veillants ".
< hommes de peine et pénibles > ( Latis)
Quel que soit le domaine axiologique considéré : économique, juridique, esthétique, politique, éthique ou religieux… la vision, le rêve, l'extravagance et l'hallucination prospèrent, enivrent et exaltent des individus et des groupes qui poursuivent les chimères de solutions imaginaires afin de mieux résoudre ce qu'ils nomment pompeusement leurs " problèmes existentiels"
Le 'pataphysicien relève ces discours, les tient pour ce qu'ils sont, c'est à dire des utopies obligées. En l'état, il ne se peut pas qu'il en soit différemment.
Dont Acte.
Respectant le principe d'équivalence, le 'pataphysicien n'émet par ailleurs aucun jugement sur la valeur de ces discours. Non pas qu'il défère à une quelconque autorité démocratique ou à un préjugé égalitariste… Il note toutefois qu'au regard des critères de la logique, certains d'entre-eux sont plus consistants que d'autres. Il distingue de surcroît les oeuvres issues des 'pataphysiques qui se veulent conscientes - l'univers borgésien par exemple-, des ouvrages émanant de celles qui y prétendent mais le sont moins.
Et en premier lieu parmi celles-ci : la philosophie.
-La troisième proposition : <La 'pataphysique est l'a-science >, précise le voeu d'ignorance lucide qui caractérise une initiative d'apparence paradoxale. Ignorance instruite cependant, consciente de soi ; mais non pas tant de sa " valeur " que de sa portée.
Il s'agit donc d'une discipline choisie, cultivée en toute connaissance de cause et appréciée sous bénéfice d'inventaire.
Néanmoins il arrive qu'on présente la 'pataphysique comme une " science du particulier ".
Ce n'est là qu' une première approximation…
< Relevé des singularités > ne signifie pas " étude scientifique du particulier ou des particuliers " lesquels relèvent du fonctionnalisme mathématique propre aux disciplines positives traditionnelles (les sciences de la nature… ou encore celles qui se targuent d'avoir "l'homme" pour objet )
Qu'est-ce que le " particulier " ?
Le < particulier > est en premiere approximation l'un des " lieux " de la rhétorique ( Perelman) et une " catégorie " qui ressortit à la logique. En tant que tel, il s'oppose à < l' universel >, son contraire, devenu par ailleurs -quand il est hypostasié, l'une des grandes idoles de la morale contemporaine selon ses deux variantes : la kantienne et l' utilitariste anglo-saxonne.
Le < particulier > exprime en outre une idée générale et abstraite, un concept qui désigne la classe de toutes les classes d'existants définis ontologiquement comme individus ou coalescences précaires et éphémères de qualités sensibles ( Russell ) …
… en quête d'improbable identité.
Ou encore l' " x ", l'ipséité, l'hapax ( Jankélévitch), la prétendue substance censée demeurer sous les accidents qui affectent les choses ; mais aussi le sujet scolastique d'attribution logique, ou encore ( par exemple selon P. Klossowski ): le suppôt.
S'attacher à l'étude du particulier constituerait une méprise fondamentale et rédhibitoire quant à la portée de la 'pataphysique. Ce serait la ramener tout bonnement à une philosophie empiriste traditionnelle - par exemple dans la manière franciscaine propre à Guillaume d'Occam.
Cela étant, la 'pataphysique est bien le relevé des singularités.
Mais qu'est-ce qu'une singularité ?
Une singularité désigne un objet, généralement mental, présenté sous forme idéologique -discours ou mise en scène-, effet de l' imagination créatrice, caractérisé non seulement par le fait qu'il est unique de son espèce, mais surtout par son originalité.
< L'unique et " l' étrangeté " sont ses propriétés >
Un original est un ex-centrique dont les vaticinations présentent quelqu'intérêt du fait de cette excentricité même qui tranche ou jure par rapport à ce qui relève du ressassé, de l'académique, du convenu.
Or, dans la faustrollienne navigation du 'pataphysicien et… selon les critères du Guide Vert, la philosophie en son incontestable et prestigieuse singularité mérite bien elle aussi "qu'on s'y arrête" et la mention d'un "vaut le détour".
D'où la 'pataphilosophie…
Pour conclure :
Récréation, la 'pataphysique n'est pas une science au sens traditionnel du terme mais un genre de discours, un ensemble d' études spécifiques et accessoirement une "forme de vie" (Wittgenstein)
Jeu de langage et… langage d'un jeu.
Elle constitue en elle même une singularité. Mais, pour éviter l'écueil de la régression à l'infini, nous stipulerons à la manière de Spinoza qu'elle est sa propre norme et qu'elle n'a pas à être fondée.
Ou encore : il n'y a pas de 'pataphysique de la 'pataphysique. Pseudo-énoncé et expression redondante, vide de sens, n' exprimant qu' un pseudo-programme d'étude logiquement et à jamais impossible.
La 'pataphysique est un effort de " révélation ", voire -à user de l'hyperbole-, une profane… "apocalypse " ( Pseudo-Sandomir )
Manifestation de l'"imaginaire" dans ses réalisations empiriques et sous tous ses aspects, ensemble des Livres canoniques contenant les "révélations" faites au 'pataphysicien immergé en < Ubuland > parmi toutes les pataphysiques, évidemment a-théologique, elle est dénuée de toute signification mystique.
Car il s'agit d'un libertinage, d'un dévoilement et rien de plus ( cf: < Le Chevalier, le Diable, la Mort, 'Patactualité de Dom Juan > ) ; à la rigueur, pour ceux qui désirent se donner des sensations, d'un… viol ( cf : le tableau célèbre de Magritte )
Il en est de même de la 'pataphilosophie…
Et pour clore cet introductif babil en pastichant enfin Marcel Duchamp :
La 'pataphilosophie ou... les mariées mises à nue par le célibataire même.

2. De la prétention philosophique
2.1. Les quatre fantasmes du projet philosophique
La philosophie se présente d'elle-même comme un réseau de fantasmes réglant l'indéfinie succession de vaticinations discursives qui composent son histoire.
Enumérons les :
-Le fantasme de l' intelligibilité.
-Le fantasme du fondement.
-Le fantasme totalitaire.
-Le fantasme de la puissance.
Essayons de démêler cet intéressant entrelacs…
2.1.1. le fantasme de l'intelligibilité
Les trois axes principaux du questionnement philosophique concernent les problèmes du Sens, de la Nature et de la Valeur; chacun de ces concepts générant un type de discours spécifique.
A la recherche du " sens " correspond l'enquête phénoménologique ( philosophie descriptive de l'expérience humaine, de ses attitudes existentielles et propositionnelles )
A la recherche de la "nature des choses" -de ce "qui est "-, correspond la métaphysique.
A la recherche des " valeurs " -de ce "qui doit être"-, correspond l'Axiologie ( l'univers des "normes et des règles ")
Le projet philosophique s'est toujours présenté comme un effort d' intelligibilité. Cette attitude existentielle constitue en elle même un invariant remarquable par delà la pluralité des penseurs et des systèmes.
Débrouiller le chaos apparent des phénomènes et mettre à jour une arcane explicative dissimulée ; refuser aussi bien l'absurde que l'ambiguïté et l'équivoque ; déchiffrer, élucider et comprendre le "réel" ramené à l'unité d'un principe ( monisme) ou d'un complexe de principes (dualisme, manichéisme, pluralisme…), telles furent, telles sont et telles seront les caractéristiques essentielles de cette entreprise et… jusqu' à la folie.
Car, pour celui qui se nomme " philosophe", il y va d' une exigence vitale.
Il lui faut fuir l'errance et la perdition, se dégager du délire mondain des "clichés ", des "pseudo-idées ", des moeurs et des modes par une attitude de "conversion", de retour à soi, dont -dès l'origine-, Platon, Epictète et saint Augustin ont donné le mot d' ordre en des textes d'une densité inégalée.
Un exemple particulièrement significatif ouvrira notre chrestomathie.
CHR1 : EPICTETE ( Entretiens )
Il faut donc qu'il y ait du sens et que ce sens puisse être dévoilé, restitué, exhibé, compris et transmis. Car le philosophe ne saurait se satisfaire du "désordre" des phénomènes naturels, du tourbillon des événements historiques, ou encore de la succession sans principe des faits de conscience et de l'action humaine.
Cette croyance ou cette foi en "l' intelligibilité" < de l' être, du monde, de l' existence, de l'histoire ou du "discours" >, constitue ainsi le premier grand fantasme de la philosophie.
Il y a quelque chose à comprendre ; le < jeu > philosophique consistera à satisfaire cette exigence.
Mais qu'est-ce que l'intelligible ?
Sera donc stipulé "intelligible" ( c'est à dire posé sans démonstration ) ce qui est susceptible de compréhension ; un dessin et un dessein : ce qui échappe au hasard, au chaos ; ce qui manifeste à la fois une nécessité et une fin voire une intention : un ordre caché, une succession réglée par un principe que le penseur se proposera de "découvrir"… en fait en le créant lui même par la vertu de son propre, original et … poétique talent.
Tel est le premier caractère de la pataphysique philosophique.
Pour illustration, cet extrait d'un dialogue parmi les plus célèbres de Platon où le philosophe met en scène son maître Socrate avouant sa déception de l' enseignement reçu d' Anaxagore et sa fuite en avant dans la création des fictions de l'idéalisme spéculatif.
CHR2 : PLATON ( Phédon )
Dans le même sens et à l'appui de notre propos, l'aveu de Leibniz en son Système nouveau de la nature et de la communication des substances ( §3).
Il est clair que la recherche de l'intelligibilité des choses se double d'une seconde exigence révélatrice elle même d' un second fantasme propre à la quête philosophique : le fantasme du fondement.
2.1.2 : Le fantasme du fondement
Le problème du fondement de l'existence et de la connaissance constitue la question centrale de la préoccupation philosophique. Etablir si et comment elles peuvent être "justifiées" rationnellement constitue pour elle un véritable impératif catégorique.
Mais qu'est-ce que " fonder " ?
Fonder, c'est ériger, instituer. C'est prendre base. C'est aussi légitimer, " rendre raison". Le fondement désigne ce qui donne à quelque chose la raison d'être de son existence, ce qui confère une garantie de valeur.
Car le philosophe ne supporte pas de vivre sans justification : pensée, propos, décision, jugement de valeur éthique ou esthétique… rien n' échappe à cette exigence.
A l'appétit de sens répond donc le désir d'assurance qui suscite le fantasme de la recherche des garanties de signification. La logique, la science, la morale, le droit, la politique, l'art enfin, aucun domaine ne sera soustrait à cette obsession.
Philosopher, c'est toujours prétendre à justifier.
Prenons l'exemple de la connaissance, thème privilégiée de la philosophie classique.
Soit à déterminer les conditions d'une connaissance valide. Trois possibilités ont été dégagées par les philosophes :
-le fondement ontologique par lequel la connaissance est " fondée dans l'être".
Ses éléments ont par nature une valeur objective. Soit qu'ils existent dans un "monde intelligible séparé" ( Platon et ses "Idées") ou dans la réalité même ( les " formes substantielles " alléguées par Aristote ) ou encore dans " l'entendement d'un dieu créateur " ( Saint Augustin / Malebranche ) ; ou enfin " dans l'entendement d'un dieu constituant la substance unique de la réalité " (Spinoza ).
Connaître, c'est posséder ces idées et… en être possédé. Le philosophe prétend jouir d'une communauté de nature avec elles. L'âme platonicienne, l'intellect aristotélicien et l'entendement baroque en portent l'empreinte. Ils en sont "marqués".
-Le fondement réflexif et rationaliste.
La connaissance prétendue " vraie, justifiée, assurée " a ses germes " dans l'esprit ".
Soit par exemple à la manière cartésienne des "idées innées" (existence, substance, espace et temps, âme et corps, liberté, infini et dieu ) ; soit à la manière kantienne pour laquelle l'objectivité de la connaissance humaine est la manifestation d' un ensemble de conditions dites "a-priori", inhérentes au sujet baptisé " législateur des lois de la nature" ( espace/temps, " catégories de l'esprit " )
-Le fondement " logique et empirique " pour lequel la certitude psychologique procurée par la connaissance valide résulte de son accord avec les "données de l'expérience" et /ou la consistance et la complétude des propositions premières des systèmes déductifs.
Ainsi de l' "axiomatique " entendue comme " fondement " des mathématiques.
Pour résumer : quelle que soit l'option choisie, le philosophe recherche la garantie de valeur ou de validité, la "raison suffisante" qui lui apportera l' apaisement psychologique désiré.
Car derrière cette quête indéfinie de justification, sous cet appétit de sens, d 'intelligibilité et de fondement il n'est pas difficile de reconnaitre l'horreur éprouvée à la pensée d' un monde et d'une existence étrangers au sens, à l'ordre et à la raison.
Sera alors taxé d'irrationalité et rejeté dans l' enfer philosophique tout ce qui : -dans l'homme n'est pas le produit d'une action consciente et finalisée ( illusions, superstitions, effets d'imagination, rêves…) ; -et dans la nature, tout ce dont la "science", la connaissance "rationnelle" ne peut rendre compte ( réalité incontournable de l'univers, contingence factuelle de tout existant, hasard des événements)
L'existentialisme en tirera la thèse -fausse, puisqu' elle confond la logique et l' existence ( l' < absurde > étant un terme de métalangage qui ressortit à la logique )-, de l' "absurdité" du réel , au motif de l' impossibilité -incontestable celle-ci-, de " justifier son existence ".
Or le réel n'est pas plus "absurde" que "sensé" ou " ambigu ". Ce sont nos propositions à propos du réel qui le sont ou qui peuvent l' être.
On sait comment Sartre réintroduisant une division ontologique dans l'être réaffectera à l " homme" (c'est à dire à tous les hommes ! ) une "dignité "… antiquité conceptuelle d'inspiration chrétienne et néokantienne, en le posant arbitrairement en " sujet libre et responsable".
Enoncé simplement performatif à prétention ontologique et axiologique : je te déclare "responsable" par la vertu de mon discours philosophique donc… tu l'es !
< Au commencement était le Verbe > Nous sommes ici en pleine magie verbale…
Néanmoins il s'est toujours trouvé des penseurs pour nier le prétendu pouvoir de l'esprit de saisir la supposée "raison des choses ". Ainsi Pascal: < la dernière démarche de la raison est de reconnaître qu'il y a une infinité de choses qui la surpassent > ( Pensée 267 ).
Séparant la logique et l'existence, ils contestent le postulat de l'intelligibilité et de la rationalité du réel. Ainsi Nietzsche affirmait-il que : < le caractère du monde du devenir est d' être informulable, faux, contradictoire, la connaissance et le devenir s'excluant > ( Vérité et mensonge du point de vue extramoral )
De ce qu'exister c'est faire échec au jeu des interactions chaotiques et hasardeuses par le relevé des "répétitions " empiriques phénoménales en développant des stratégies de compostion et d'institution, il n'en résulte pas que la " réalité " exprime comme en miroir la satisfaction du besoin de sens, d'ordre et de raison.
< La vérité, c'est que nous ne pouvons rien penser de ce qui est >, affirmaient jadis Gorgias et Sextus.
Montaigne, Sanchez, Hume, Nietzsche… parviendont à la même conclusion.
La 'pataphysique mènera enfin la critique de la prétention à l'intelligibilité et au fondement jusqu' à son terme en affirmant l'incommensurabilité des deux ordres de l' être et du connaître ( cf Sainmont / Latis / Sandomir, Dämon Sir…)
2.1.3. Le fantasme totalitaire
Identifiant être et sens, être et raison, être et intelligibilité, stipulant à l'instar de Hegel l'identité du réel et du rationnel, la philosophie devait poursuivre la chimère du "savoir absolu ", la vision de la "connaissance encyclopédique ".
Telle une procession de pieuvres aux mille tentacules, elle n'a cessé dans la succession de ses systèmes de poursuivre le projet " monstrueux " d' embrasser et l'essence du " réel "et l' ensemble de ses aspects particuliers.
Ainsi Descartes en ses Principes de Philosophie.
CHR 3 : Descartes, Lettre-préface aux Principes de philosophie.
Unité, totalité, ( synthèse de l'unité et de la pluralité ), systématicité, rationalité… sont les catégories autorisant le projet cannibale d'une absorption du "réel" dans le discours philosophique.
Rien de ce qui est humain et rien de ce qui est extérieur à la sphère anthropologique ne lui sera étranger…
Au cours de son histoire la philosophie a ainsi… rêvé le monde tout en donnant l'architecture de ses songes et ses dentelles de fictions conceptuelles pour l'image adéquate du réel.
Eadem mutata resurgo…
2.1.4. Le fantasme de la puissance
Mais derrière le fantasme de la connaissance absolue et de la connaissance de l'absolu, se dissimule le désir de puissance : le savoir comme fondement du pouvoir.
Surgissent alors : la vocation du philosophe médecin de la civilisation, réformateur de la cité, guide spirituel du peuple, porteur du flambeau de la raison… et les figures historiques de la fonction publique cléricale telles que l'Aufklärer, le Conseiller du Prince, enfin l'Intellectuel engagé, véritable Père-tout-à-tous, pédagogue et directeur de conscience.
Le " maître " de Philosophie entre en scène…
Spécialiste des généralités, s'appuyant sur la mythologie du " savoir absolu", sel de la terre, le philosophe-pédant s'imagine jouir d'une existence supérieure, en surplomb, au sens propre "épiscopale", et d'une compétence l'autorisant, tel un Ubu en chaire, à soumettre toute parole et toute conduite aux arrêtés et aux jugements de son " tribunal de la raison " ( cf Hegel )
Le philosophisme de la " bonne volonté " inquisitoriale s'avance… institutionnel, progressiste, vigilant.
Et de nos jours : citoyen.
Mais au fait, y-a-t-il une "connaissance philosophique " ?
Ou encore : de quoi parlent donc ceux qui se prétendent " philosophes" ?
Question impertinente et en apparence incongrue…
Certes la philosophie n'a pas manqué au cours de son histoire de se poser les problèmes de son être, de sa valeur et de sa portée. Et dès son origine ( Platon : République 6 / 7 ) elle a développé une analyse réflexive visant à préciser son statut au regard d'autres genres de discours généralement rivaux ; ainsi du mythique et du poétique, du rhétorique, du religieux et, plus proche de nous, du scientifique.
Mais peut-on faire confiance à un philosophe lorsqu'il s'interroge sur sa propre "essence" dès lors qu' il est juge et partie ?
Allons donc voir de plus près en suivant néanmoins mais avec prudence les spécialistes de la chose philosophique (Y.Belaval / M.Gueroult / G.G.Granger / F.Cossutta)
2.2. La prétention philosophique présentée par elle même
Nous avons mis à jour les trois grandes questions inductrices de la philosophie traditionnelle. Elles concernent le sens, la nature et la valeur. Nous avons aussi précisé les domaines de l'interrogation philosophique : l'expérience, les choses et le monde des valeurs. Nous avons relevé les types de discours qui se proposent de les étudier: Psychologie et phénoménologie, Métaphysique et Axiologie.
Reste à circonscrire le champ thématique et notionnel ainsi que la forme de l'investigation elle même.
2.2.1. Le champ thématique nous est donné avec l'exemple du Tableau des Notions au Programme des Lycées, des Classes préparatoires aux Grandes Ecoles et des Concours de recrutement aux postes d'enseignement de la Philosophie d'Etat française.
Ce qu'on nomme habituellement : " La philosophie des professeurs " ( F.Châtelet )
CHR.4 TABLEAU DES THEMES ET DES NOTIONS.
Ce Tableau de Notions appelle un rapide commentaire.
Il est caractérisé par son incontestable cohérence et son exhaustivité. L'activité philosophique revient à épeler le vocabulaire de l'expérience, à décliner la grammaire de la quotidienneté humaine. L'analyse proposée au Maître et à l' Apprenti revient à défaire réflexivement le tissu des liens existentiels noués par tout homme pendant la durée d' une journée ou d'une vie.
A considérer par exemple le premier thème, l'homme et le monde, on accordera que toute existence commence au sommeil, se poursuit dans la série des états de conscience, du sentir, de la mémoire, de l'imagination, de l'attention et de l' effort, de la perception génératrice de l'objectivité spatio-temporelle… jusqu' à boucler le cercle qui mène de nouveau par les relations à autrui et l' histoire à l'inconscience nocturne et à la mort.
2.2.2. En ce qui concerne le formalisme philosophique, on repérera trois moments fondamentaux :
Questionner et problématiser, conceptualiser, argumenter.
Précisons. Créateur de concepts, Maître en chaire ou Elève, Spécialiste ou Débutant, le philosophe "questionne".
Il interroge. Non pas dans le contexte d'une interrogation technique en vue de résoudre une difficulté prosaïque et pratique. Sa question concerne un sujet de réflexion impliquant des difficultés " théoriques " à résoudre, un "problème".
Ainsi : < le Mal est-il l' effet d' une volonté délibérée ou seulement une erreur ? >
Qu'est-ce qu'un problème "philosophique" ?
Il s'agit d'une interrogation d'ordre théorique dont les prétendues solutions apportées demeurent en fait en suspens et discutables et dont les enjeux (ce qui est à gagner ou à perdre) sont déclarés "décisifs " pour et par le philosophe lui même.
Soit la question < l'homme est-il un être libre ? > On voit que dans l'hypothèse d'une réponse négative, s'évanouissent et la notion de responsabilité et … tout l'appareil du Droit pénal !
La position et la résolution du problème ont pour but de permettre la réponse à la question. Enonçons-le selon l' exemple choisi : < est-il possible de prouver l'effectivité de la liberté ou celle-ci n'est-elle qu'une croyance nécessaire sans laquelle on ne peut penser et juger l'humain ? >
Le problème philosophique exige pour être résolu des données déterminées et explicites ainsi qu' une méthode d' investigation.
Problématiser, c'est donc transformer une question en problème.
Toutefois, si la position de la " problématique "est l'oeuvre personnelle du philosophe, sa réflexion exprime une prétention… universalisante. Car pour le philosophe < l'universalité est la pierre de touche de la vérité > ( Hegel )
Nous y reviendrons : il s'agit là du point sensible de la philosophie.
La démarche du questionnement philosophique suppose aussi des outils. Ce sont les concepts. Philosopher c'est conceptualiser. Le concept est l'instrument du philosophe qui postule à l' abstraction universalisante.
Philosopher, c'est aller de la notion au concept, par la réforme du langage commun et la création d' un vocabulaire spécifique.
Chaque auteur recrée ainsi un réseau de catégories par lequel il espère produire une meilleure intelligibilté du réel.
C'est en ce sens que la philosophie est une activité littéraire et "poétique", proprement " pataphysique ".
Le sens d'une philosophie résulte alors du jeu fonctionnel des concepts qui réorganisent l'univers sémantique légué par les prédécesseurs et la terminologie déclarée "douteuse" des langues "naturelles" caractérisées par leur richesse mais aussi par leur flottement et leur équivocité.
Il s'agit donc d' un travail définitionnel permettant la génération de propositions dont l' écueil permanent est… l' obscurité, quand il ne s'agit pas de verbalisme ou de tautologie.
D'où les fréquents reproches d' < abus de langage > adressés par maints philosophes à leurs collègues et rivaux (cf: Ockham, Hobbes, Condillac, l'école de Vienne, Carnap…).
C'est enfin le système ou la doctrine qui précise la terminologie du philosophe en articulant les concepts d'une manière qui se veut toujours singulière, c'est-à-dire particulière et originale.
( cf à titre d'exemple, le Livre delta de la Métaphysique d'Aristote )
Chaque Auteur se présente ainsi dans un contexte de création du Monde. Monde purement linguistique, soulignons-le, bien qu'il s'efforce de ne pas perdre de vue la fonction référentielle de son discours dont la clef nous est donnée par la sémantique. Monde littéraire, tissé de fictions quasi-pataphysiques dont l'intéressé a oublié ou… dissimule plus ou moins adroitement selon son génie propre qu'elles le sont.
Ainsi, dans sa relation de l'être au dire, la philosophie apparaît le plus souvent comme un discours d'un sérieux absolu qui ne parle pourtant que de lui même, un embrayeur de fictions, le plus souvent inconscient de soi malgré ses prétentions à rendre compte du dénoté supposé, c'est à dire de l'intelligibilité ontologique du monde.
Résumons : pour répondre à ce souci d'intelligibilité, le philosophe questionne, le philosophe problématise, le philosophe conceptualise.
Mais ce n'est pas tout. Le philosophe argumente.
L'argumentation répond à l'exigence de légitimité, de fondement.
Puisqu'il se propose d'apporter des réponses l'auteur doit en effet respecter des procédures de validation des hypothèses qu'il présente à la sagacité de son lecteur. Il existe donc une rhétorique philosophique dont la vocation est de " rendre raison " des propositions énoncées.
Ceci étant, la validation philosophique est bien distincte de la preuve scientifique tout autant que de la révélation religieuse. De la révélation parce qu'elle se veut rationnelle; de la science parce qu'elle mêle constamment la légitimation à l'affirmation, le métadiscours au discours.
Cependant les assertions philosophiques ne relèvent aucunement de la " vérité " ou de l'erreur. Elles sont seulement suggestives ou plausibles, c'est à dire susceptibles d'applaudissement ; ou encore, mais plus rarement, aberrantes. Seules la logique -par son respect de la " non contradiction " des énoncés, et la science -par sa volonté d' "exactitude ", de " correspondance " du référentiel dénoté au symbolisme-, sont susceptibles de satisfaire à l'exigence du critérium de " vérité ".
Bien qu'elle y prétende, la philosophie n'est pas un genre de discours démonstratif -si, par démonstration, il faut entendre un rapport nécessaire entre des prémisses et une conclusion sans considération de l'attitude de l'auteur à l' égard des propositions avancées.
Substituant l'approbation à la probation, toute philosophie est en fait " dialectique" au sens où Aristote définit :
< … une méthode qui nous mette en mesure d'argumenter sur tout problème posé, en partant de prémisses probables, et d'éviter, quand nous soutenons un argument de rien dire nous mêmes qui y soit contraire > ( Topiques 100 a.18 ).
Car le dessein de l'opération philosophique est d'intégrer le lecteur à l'univers des formes propre à l'auteur après qu'il s'est efforcé de le convaincre. De ce fait et quelles que soient ses dénégations le philosophe est bien l'avatar du prêtre et la philosophie apparaît le plus souvent comme une manière savante, subtile et sophistiquée de tortueuse catéchèse.
Mais c'est aussi pourquoi les philosophes peuvent se targuer d'échapper à la réfutation.
Fondant leurs systèmes sur des énoncés stipulatifs, en fait sur des pétitions de principe, ils se soustraient par là même à la réfutation de l'adversaire, enfermés dans une superbe et quasi absolue solitude doctrinale. La seule forme de contestation possible de leurs thèses étant de les déplacer par un coup de force au sein de problématiques ou de systèmes qui leur sont extérieurs, donc par la dénaturation obligée de leur sens spécifique.
C'est pourquoi la réfutation philosophique prend si souvent les voies de la disqualification polémique de l'adversaire par réduction simplificatrice, procès d'intention et falsification, projection conceptuelle et doctrinale ou encore invalidation ironique.
Monde de "prétendants au vrai ", ton univers est… impitoyable.
En philosophie les objections, les concessions, et les réfutations sont le plus souvent arbitraires, chaque auteur restant en dernier ressort seul juge de son propos, de sa problématique, de ses concepts et de sa doctrine. Le dialogue est… dialogue de sourds à l'image de ces Congrès qui voient se succéder en procession des orateurs soucieux de leur communication et généralement imperméables à la discussion.
Litanies, liturgie, léthargie…
C'est aussi pourquoi, s'il existe des philosophes, il n'existe pas de " texte philosophique " composant un milieu neutre et idéal au sein duquel pourraient s' affronter à armes égales des protagonistes respectant avec fair-play des règles admises par tous.
Les systèmes philosophiques sont, à l'instar des toiles de maîtres, de grands solitaires disposés les uns à côté des autres dans les bibliothèques aux rayons surchargés d'antiquités, laissés au divertissement laborieux de la " recherche " , des " thèses ", des historiens et de la glose, quand ce n'est pas < à la critique rongeuse des souris > ( Marx, Idéologie allemande )
2.3. Les thèses cardinales du philosophisme occidental
2.3.1. Les fantasmes d'intelligibilité et du fondement ont suscité un certain nombre de thèses qui constituent le fond commun de la tradition rationaliste occidentale.
Enumérons les :
-L'attitude de la conversion spirituelle (Platon / Augustin / Malebranche) par laquelle la connaissance sensible étant déclarée trompeuse, le philosophe se détourne du monde pour saisir les vérités éternelles -mathématiques et métaphysiques.
Le philosophe se libère de la contingence et du désordre apparent des phénomènes.
-L'importance décisive accordée à l'intuition intellectuelle entendue comme VISION mentale de ces réalités inaccessibles aux sens (Platon / Descartes / Bossuet…)
-Le thème de la vérité définie comme " présent donné " qui s'impose à l'esprit humain ( Husserl )
-L'idée que cette raison mystique d'origine pythagoricienne et augustinienne constitue le critère de distinction anthropologique par lequel l'homme se distingue de la bête.
-L'identité de l'esprit et de la réalité. L'ordre et la liaison des idées sont identiques à l'ordre et à la liaison des choses. (Spinoza) La nécessité des lois rationnelles étant semblable à la nécessité des lois du réel, le réel est donc rationnel , le rationnel est le réel ( Hegel ) 
-La philosophie entendue comme découverte progressive de l'unité métaphysique des choses qu'elle comprend dans leur nécessité.
-L''idée que cette intelligence de l'être s'accompagne d'une connaissance et d 'une maîtrise des passions, de l'accès à la liberté et à la sagesse.
La raison devient raison pratique. Elle se fait axiologie. Par la connaissance le sage mène une vie raisonnable et opère ainsi son salut. La philosophie est donc sotériologie.
Tels furent les adages du rationalisme dogmatique classique.
2.3.2. Mais la philosophie a eu elle aussi ses francs-tireurs et ses contestataires.
Les propositions de ce catéchisme rationaliste furent continuellement sujettes à objections. Critiques dissimulées pour des raisons de sécurité < lorsque les temps étaient à la sottise et à la cruauté> ( M. Yourcenar ) ; ou critiques avérées lorsque l'époque était à davantage de tolérance.
Rappelons pour mémoire et afin de donner un exemple les arguments de la grande tradition empiriste qui court de Guillaume d'Occam au Positivisme logique contemporain ( Cercle de Vienne ) :
-Il n'existe pas de nécessité naturelle. Les inférences de la logique constituent l'unique nécessité reconnue.
-La logique n'est par ailleurs qu'un jeu dont les règles sont conventionnelles et dépendent du talent du logicien. Elle cesse d'être une science normative des lois de la pensée, de l'intelligence et de la raison. S'y juxtapose une psychologie des opérations intellectuelles ( Ecole de Piaget )
En conséquence de quoi il n'est plus possible de prétendre fonder en droit la connaissance à la manière husserlienne de la phénoménologie transcendantale.
-Les logiques plurivalentes ne reconnaissent pas la loi du tiers exclu. Entre le vrai et le faux se glisse la gamme des modalités probabilitaires.
-Il n'est pas de principes éternels de la géométrie. Ceux-ci sont posés par le mathématicien .
-La pluralité des espace-temps se substitue à la thèse newtonienne d'un espace-temps absolu et au formalisme critique de l'esthétique transcendantale kantienne d'un temps et d'un espace anthropologiques.
-La mathématique est dégagée de sa connotation ontologique. Elle n'est qu'un jeu de symboles privés de sens. < En mathématiques on ne sait jamais de quoi l'on parle ni si ce que l'on dit est vrai > ( Russell . L'interprétation empirique des symboles est laissée à la discrétion de celui qui les emploie.
-Il n'existe pas de lois de la nature. Le concept de loi possède une origine anthropologique et non pas une portée ontologique. Par les lois les hommes interprètent commodément la nature afin de mieux agir sur elle ( Poincaré )
Une loi n'est que l'adéquation incertaine d'un énoncé linguistique et d'une donnée de fait.
-Le scientifique recherche moins la vérité que la simplicité des lois phénoménales.
-L'intuition intellectuelle n'étant qu'une illusion psychologique, le philosophe ne peut prétendre saisir l'essence ni la fin des choses. Il n'est plus de fondement métaphysique de l'induction.
-L'induction n'est plus la formalisation d'une vérité universelle en droit mais une généralisation provisoire et hasardeuse.
Il n'y a pas d'essence dissimulée sous les apparences disparates des choses contingentes.
-Le philosophe doit donc abandonner le plan ontologique pour le plan linguistique (cf: Wittgenstein 2)
La philosophie n'a plus à traiter des choses -rôle dévolu aux sciences-, mais du langage qui en parle.
< La nature et la philosophie se séparent dans le face à face d'étrangers qui ont perdu l' llusion de se comprendre à la faveur d'une intuition mystique et rationnelle > ( Louis Vax )
La philosophie ne transcende plus la science. Nulle Idée-nombre platonicienne dissimulée derrière les relations mathématiques ; les " choses-en-soi " et le " moi transcendantal "disparaissent dans le monde des phénomènes et le flux des états de conscience.
Simple logique de la science, la philosophie n'est qu'une partie de la connaisance scientifique.
Syntaxe logique du langage scientifique, sa tâche est d'établir les conditions de sens des propositions ( Louis Rougier ):
-Les problèmes de vérité empiriques, d'adéquation à un donné sont les problèmes scientifiques.
-Les problèmes de cohérence, de suffisance et de décision sont les problèmes de la logique mathématique.
-Les problèmes de sens sont les problèmes philosophiques.
Exit la spéculation, exit la métaphysique, exit l' axiologie…
L'itinéraire de la philosophie... analytique ne va plus… de Paris à Jérusalem mais de l'ontologie (Russell)… à la linguistique.
Ainsi Quine ( Ontological Relavity and Others Essays ) et surtout N. Goodman ( The Structure of Appearance )
L'opposition au platonisme, au réalisme des essences, se double maintenant de la récusation d'une quelconque "correspondance" voire "adéquation" entre le savoir et le réel. Termes mythiques traduisant une banale naïveté épistémologique.
L'ordre mathématique de la connaissance, base de la philosophie rationaliste ne saurait être un " reflet " , un double bien fondé de " l'ordre " du cosmos.
Il n'y a pas de système du monde mais une pluralité de systèmes qui en rendent compte chacun pour soi, de son point de vue ; systèmes linguistiques dont aucun ne peut se prétendre plus " fidèle" qu'un autre dans le procès de compréhension de l' être.
Car la " fidélité " est moins un critère épistémologique qu' une idole morale transportée dans l'univers de la connaissance.
La philosophie est comprise comme une branche de la littérature, une expression de la poétique transcendantale par laquelle les systèmes nous donnent certes des "tableaux" mais non des " images" du réel.
Elle ne saurait être " figurative " au sens où le Wittgenstein du Tractatus ( 1921 ) faisait correspondre aux objets atomiques des noms propres et aux faits des énoncés.
Pour Goodman, philosopher c'est toujours représenter ; dénoter certes mais en symbolisant et non plus prétendre " ressembler à ". La structure des apparences empiriques nous sera donnée dans et par la médiation des multiples broderies conceptuelles propres aux différents systèmes.
Il n' y a donc pas de " vérité reflet " ; le " réel philosophique " est essentiellement " une fonction de construction ".
A l'instar de l'oeuvre d'art, un système de philosophie est … chose mentale ( cf Léonard ) ; rien de moins, rien de plus.
Nous ne sommes pas très loin du contenu des thèses fameuses alléguées jadis par Paul Valéry ( L' homme et la coquille / La petite lettre sur les mythes / Au sujet d'Eurêka ) ou encore… de la 'pataphilosophie.

De la ‘pataphilosophie
 < … Et, à regarder les choses en ‘pataphysicien, je ne vois point de plus plaisante momerie, je ne vois rien de plus ridicule qu’un homme qui se veut mêler d’en enseigner et d’en guérir un autre >
Dämon Sir, Le philosophe imaginaire, 3, 3.


Moment particulier de la ‘Pataphysique, la ‘pataphilosophie n’a été formalisée que tout récemment. Encore s’ agit-il moins d’une effective  » mise en forme » que d’ une présentation indirecte et fort singulière ( cf un certain nombres de textes significatifs parmi les publications du Collège de ‘pataphysique )
Miroir du réel et des discours sur le réel, la ‘pataphilosophie échappe par définition aux critères habituels de la  » philosophie  » ou de la  » science « .
Dégagé de tout souci dogmatique d’intelligibilité et de toute préoccupation prosélytique, le ‘pataphilosophe montre, dévoile et… se retire. Il agit comme un révélateur.
En tant que tel, il se satisfait de « reproduire  » en présentant pour ce qu’elles sont et non pas pour ce qu’elles donnent à croire… une infime partie de l’ Encyclopédie des idées philosophiques reçues.
C’est pourquoi, imitateur mais non pas  » faussaire  » , il est adepte du  » comme si  » ( als ob ) ; car à défaut de  » pensée originale  » ( ? ), la version, l’allusion, l’ emprunt, le montage, le détournement, la traduction, le résumé, le pastiche voire le « scandaleux  » plagiat, la parodie enfin, ces procédés définissent un style rhétorique et une méthode concertés parfaitement appropriés à son propos.
En un mot, il feint. Mais en toute connaissance de cause et par nécessité puisque :
< …Non seulement la vie sociale n’est que feinte, (et disons-le sans aigreur ni béatitude : feinte nécessaire, féconde, aimable pour autrui ) mais la vie intellectuelle aussi. Le langage n’est qu’un assemblage de feintes étymologiques d’abord, métaphoriques également et perpétuellement, euphémiques et encourageantes, bref mises en tropes : la multiplicité de ces figures étant, dans leur composition, une superfaculté de feindre. Dire cela, c’est impliquer que toute littérature consiste à feindre, de la simple lettre de bonne année au roman, au théâtre, à l’épopée (ou à la critique) Rédiger c’est feindre qu’on va être lu, qu’on va être compris (!), qu’on est sincère, -ou habile, ou plaisant, etc., N’est-ce pas l’évidence la plus banale. Et la science ne feint-elle pas à tous les étages ? Feinte d’explication (que périodiquement les savants dénoncent rageusement), feinte des abstractions ( lit de Procuste où sont traités les phénomènes, feinte enfin énorme de l’intelligibilité de ces phénomènes et de l’univers par-dessus le marché…>
S. Lhuré : Subsidia pataphysica 1
On ne saurait mieux dire…


 Trois textes
 Epictète, Entretiens
< Quand on ignore qui on est, pourquoi on est né, dans quel monde et avec quels compagnons on vit, ce qu’est le bien et le mal, le beau et le laid, quand on ne connaît rien à la démonstration ni au raisonnement ni à la nature du vrai et du faux, quand incapable de les distinguer, on ne se conforme à la nature, ni dans ses désirs ni dans ses aversions, ni dans sa volonté, ni dans ses intentions, ni dans ses assentiments, ses négations ou ses doutes, on tourne de tout côté comme un sourd et un aveugle, on croît être un homme et l’on est personne. Depuis que la race humaine existe, toutes nos fautes, tous nos malheurs ne sont-ils pas nés d’une pareille ignorance ? >
*
Platon, Phédon
< Eh bien! découragé comme je l’étais de l’étude des réalités, j’eus l’idée qu’il fallait prendre mes précautions contre un accident qui arrive, au cours de leurs observations aux spectateurs d’une éclipse du soleil : quelques-uns en effet risquent d’y perdre la vue, s’ils n’observent pas dans l’eau, ou par quelque moyen analogue, l’image de l’astre. C’est à un pareil accident que je songeai aussi pour ma part, et je craignis d’être complètement aveuglé de l’âme, en regardant dans la direction des choses avec mes yeux ou en essayant d’entrer en contact avec elles par chacun de mes sens. J’eus dès lors l’idée que je devais chercher un refuge du côté des notions et envisager en elles la vérité des choses… et c’est d’elles que je pars, en prenant pour base la notion de l’existence en soi et par soi, d’un Beau, d’un Bien, d’un Bon, d’un Grand et de tout le reste >
*
Descartes, Lettre-préface aux Principes de philosophie
< … que ce mot de philosophie signifie l’étude de la sagesse, et que par la sagesse on n’entend pas seulement la prudence dans les affaires, mais une parfaite connaissance de toutes les choses que l’homme peut savoir, tant pour la conduite de sa vie que pour la conservation de sa santé et l’invention de tous les arts ; et qu’afin que cette connaissance soit telle, il est nécessaire qu’elle soit déduite des premières causes… Ainsi toute la philosophie est comme un arbre, dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences, qui se réduisent à trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la plus parfaite morale, qui présupposant une entière connaissance des autres sciences, est le dernier degré de la sagesse >
 


Extrait du tableau des notions au programme des Classes et Concours de recrutement des Professeurs de Philosophie :

Thème 1 : l’homme et le monde

< la conscience-l’ inconscient-le désir-les passions-l’illusion-autrui-l’espace-le temps-la perception-la mémoire-la mort-l’existence-l’histoire-nature/culture >