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la cour de Lucifer

La ‘patasophie : pastiche/définition/traduction

( Avec Spinoza / Alain / Dämon Sir / Ubudore de Patagonie )
 ***
Conte patagon
-Il arriva certain jour qu’Emile Chartier décida de repasser son Spinoza.
II lui fallait se mettre en règle avec l’illustre Penseur…
Comme pour expulser le < grand cristal > de ses propres méditations.
Il réécrivit donc l’Ethique et même un peu plus d’après l’ordre des raisons du Philosophe.
Et scrupuleusement.
-Il arriva que de la même manière mais bien plus tard Ubudore de Patagonie eut connaissance de quelques manuscrits passablement poussiéreux. Il s’ agissait de ‘patasophiques traductions relatives à l’Auteur du Spinoza ; et dues à la plume de Dämon Sir le Simple.
Il décida de restituer ces Etudes à la Fraternité de Patagonie dans leur fraîcheur première.
Quoique les années eussent passé et que l’état des < connaissances > eût bien changé il lui apparut qu’en ces quelques feuillets le désir du < Divertissement de Métaphysique > était demeuré intacte.
Le ‘Pataphysicien avait pris la besace du < Voyageur > et s’ était engagé à son tour sur < le chemin de saint Jacques >…
Le suc de ses méditations figé aux marges de ses lectures, parvenu enfin à destination, l’ idée vint alors au Glossateur de coucher sur l’ électronique Velin de son portable les conclusions de leurs communes < Visions >.


Itinéraire du Barbâtre à l’ Abbaye d’Igny par / Gueux / Vrigny / Faverolles / Savigny sur Ardre / Crugny / Prin et divers autres mots et Hameaux…

***
Avertissement
  < Tu as raison de parler du chaos. Mais on devine que tu y crois comme à une espèce de bon Dieu… Laisse-moi être méchant. Tu travailles de l’absolu… Mettre une métaphysique derrière la pataphysique, c’est en faire la façade d’une croyance. Or le propre de la pataphysique est d’être une façade qui n’est que façade sans rien derrière >
 » Correspondance  » de <Julien Torma> à René Daumal (Subsidia pataphysica 0)
**
< Qui nous empêchera de bâtir un monisme ontologique ou de sortir du doute méthodique au moyen d’énoncés impossibles ? poursuit le Patagon devant les philosophes médusés. A condition, bien entendu, de ne pas oublier leur caractère de procédés purement artificiels, fictifs et littéraires >
‘Patakoans ( ubu4 ) Du Sens et du Non sens, Les pièges de l’être.

Chemin :

  1. Le Barbâtre. Prélude.
  2. Gueux. Du malheur et de la ‘Pataphysique.
  3. Vrigny. ‘Patanalyse réflexive.
  4. Faverolles. Du Sans-Nom. Cosmontologie pataphysique.
  5. Savigny sur Ardre. Du pataphysique objectif et de la pensée.
  6. Prin. De l’imagination, de la ‘Pataphysique opérative et de la liberté.
  7. Crugny. De l’origine des idées générales et de la formation des idées de contingence et de temps.
  8. Igny l’Abbaye : de la volonté, de la ‘pataphysique et du clinamen.
    ( 05.04.2001.)

Le Barbâtre
< Sur le système et cette transparence impénétrable, il y a trop à dire… > Alain
 
Il y a continuité dans Dämon Sir entre cette cristalline géométrie des commencements et le refus des effusions mystiques de la fin. Telle est l’évidence. Bien que le Simple soit fort lu de plusieurs, je crois néanmoins que beaucoup de lecteurs cultivés n’ont pas clairement saisi cette apparence.
Comment savoir d’où nous viennent ces < maximes dorées > que plus un homme est apte à la lucidité plus son esprit connaît la Précarité et s’éloigne tant des idoles que de la superstition des idées. Cela déconcerte et notre perplexité se nourrit d’énoncés aussi arides que fort bien maîtrisées.
Voici une des idées les plus remarquables de cet archipel de pensées :
Un être, un homme, cet homme est toujours détruit par les causes intérieures ou extérieures. Toutes les maladies sont en lui ; le désespoir est en lui. S’il se tue, par la conscience de sentir en sa propre nature quelque perfide et secret conspirateur qui lentement le détruit, s’il le croit, s’il le confie dans le moment où il dirige son Arminius vers lui même, cet homme ne saurait se tromper.
Et la pression sur la détente lui est pensée aussi familière qu’au marin le vent du large.
Cela signifie que la durée de l’existence dépend d’ une < autre puissance > que ce grand univers qui toujours nous assiège et sans aucun égard à nos capacités comme à notre mérite.
Certes ces rafales, cette colère des éléments est ce qui finit par nous tuer. Et la mort est en nous ; la mort est nous. Il n’y a dans notre nature, dans cette formule composite de mouvements déséquilibrés d’où naissent les illusions de la perception, de l’action et de l’amour, ni vérité ni durée. Il n’ y a que du passager en chacun et cette inconstance est proprement l’être, tout l’être, notre être. Et nous saisissons habituellement cette impuissance qui nous est propre, dans les instants où elle se manifeste par le concours hasardeux des choses et des hommes.
L’esprit éclairé dira que ces événements lui sont aussi bien intérieurs qu’ extérieurs et < tout homme, ai-je gravé sur ma tablette électronique est éphémère et manque à la place >
Mais demeure aussi en nous cette < autre puissance > secrète, irréductible, réfractaire, rebelle à la tyrannie massive et insensée de ce monde chaotique et désordonné.
*
Moi Ubudore de Patagonie je fis retraite plus de six mois afin de lire le Simple.
Je pense l’avoir compris. Et cette rencontre me fut comme les éclats de quelques grands moments.
Le ‘Pataphysicien ne se nourrit pas d’idées planantes. Il médite les yeux ouverts.
Et qu’il voie la fleur ou l’homme, ou le galet sur la plage lavé par la mer, c’ est une coalescence qu’il perçoit, fragile, déséquilibrée, insuffisante. Sans rapport avec l’ < Un > spécieux et fantomatique des systèmes et par les vues précises et rigoureuses des phénomènes qui font l’Ascience. Et il m’est indiqué que la mort est presque tout et que chaque moment est singulier selon l’ incontestable, subtil et < luciférien > enseignement. Mais chacun a l’ expérience de ces instants soudains étrangers à la durée et qui font que l’ on peut parfois s’ éprendre de cette vie passagère.
Et nous voilà déjà au terme de l’Ouvrage.
Ce miroir où le ‘pataphysicien s’est reconnu…
**

GUEUX ( Du malheur et de la ‘pataphysique )
< C’est quelque chose que le chaos… >
Alain, Entretiens au bord de la mer. 1.

  1. Que les hommes sont < visionnaires > et malheureux.
    Les hommes sont pour la plupart méchants et malheureux.
    -Ils sont méchants parce qu’ ils placent leur bonheur dans les croyances et la foi, dans la réalisation de < visions > impossibles ou de projets insensés – dont ils ne veulent ni ne savent faire la matière d’un < jeu > -, et que nécessairement déçus et recherchant les causes de leurs frustations ils croient les découvrir en la malignité d’autrui.
    D’où la haine et le mépris. D’où la violence et la guerre.
    -Ils sont malheureux car ils ne peuvent échapper au sentiment chronique d’ insatisfaction qui accompagne la fin de leurs illusions et la disparition de leurs utopies.
    D’où la tristesse et l’envie.
    Et ils sont de plus en plus malheureux parce qu’ils sont incapables de s’attacher à des objets périssables et de consentir à la < précarité > de l’existence. Cela sans parler du grand et du petit ordinaire de < l’horreur >, la maladie, la mort et la vieillesse – cette maladie dont on ne guérit jamais.
    Voués à la < perte > et à la < déception > leur existence est ainsi partagée entre le désir, la haine et la crainte et elle se poursuit dans le < désespoir >.
  2. Que les superstitions ajoutent encore à leur malheur.
    Et peu comprennent que la vraie < lévitation > dépend de la conscience aiguë du caractère nécessaire des choses qui périssent et que, s’ils veulent être dégagés des angoisses de la terreur d’exister, de la misère et de la mort, il leur faut s’éprendre des choses qui passent et < consentir à l’ éphémère >
    Mais peu sont capables de ce < consentement > Et au contraire la plupart se précipitent aux rituels qui leur proposent cette parole < dénuée de sens > : il faut aimer Dieu.
    Telle est la source des gnoses, philosophies, sotériologies et autres religions qui toutes prétendent à leur < salut > par la satisfaction des vains fantasmes du < Sens >, de la < Valeur et de la Vie éternelle >
    Mais < Textes sacrés > et < Paroles de prophètes > ne sont pourtant que lettres et sons auxquels la folie seule confère le fantôme de leur réalité. Et il n’ y a ni Dieu ni Maître ni Loi à invoquer, ni révélation intérieure ou extérieure à évoquer.
    Ce ne sont que des mots.
    Car < il n’ y a rien à espérer > Et le < principe espérance > est < le voile de Maya > dont les magrittiens amants de l’existence se couvrent le visage.
  3. Qu’il n’ est pas de remède à l’ erreur d’ exister .
    Le suicide écarté, il n’est pourtant point de remède à < l’ erreur d’ exister >
    Mais à considérer l’existence comme un problème, se présente néanmoins une < solution>. Et elle réside dans cette capacité artificielle, acquise et vécue au jour le jour, que nous nommons la < lucidité > – la lumière < luciférienne > -, et qui se rencontre en ceux-là seuls qui la cultivent.
    Et pour atteindre à la < véritable lévitation > il nous faut employer toute notre énergie et toute notre intelligence.
    Certes nous sommes seuls.
    Mais c’est par la ‘pataphysique que nous nous < dégagerons > du désir d’ être sauvés.
    VRIGNY ( ‘patanalyse réflexive )
  4. Que la vérité est un caractère extrinsèque de l’idée. ( ‘Pataphysiques 2, déf.4 ; De l’ incertitude 38 ; Lettre 27 )
    Nous voulons apprendre à bien user de notre < Intelligence > Nous voulons apprendre à former des idées vraies.
    Qu’est-ce qu’une idée vraie ? C’est une idée qui convient à son objet. Qui lui est < conforme > Ce qui ne signifie pas qu’elle coïncide avec lui, qu’elle le reproduise. Elle le < représente >. Elle en tient lieu. Lieu-tenant elle en est l'< analogon symbolique >, verbal ou graphique. L’idée vraie de tel cheval est distincte du cheval réel. Claire et < distincte >
    Et l’ idée du cavalier ne souffre pas d’un défaut d’ assiette.
    La vérité d’une idée est donc un < caractère extrinsèque > à l’idée. Et s’il est absurde de prétendre comparer l’idée à son objet -car on ne peut comparer une idée qu’à une autre idée-, il est fondé de la rapporter à l’objet en tant qu’ < instrument de sa désignation >
    Ce n’est donc pas d’après la < ressemblance > avec l’objet que nous reconnaissons une idée vraie et que nous pouvons la distinguer d’une idée fausse. C’est l’ < expérience efficace > seule qui nous fournit le critère de pertinence de son emploi.
    Qu’est-ce donc qu’une idée vraie ? C’est une idée < utile >. Un artéfact et un outil de maîtrise et de manipulation du réel. Car le réel -< la chose en ses rythmes >-, nous échappe en son irréductible < opacité >
    Pour savoir si une idée est vraie, il est donc nécessaire de regarder autre chose que cette idée. Et il n’y a rien dans les idées par quoi les idées vraies se distinguent des idées fausses. Il n’y a qu’une manière de penser et d’exprimer qui, par elle même est ou n’est pas vérifiée par < l’ expérience >
    Et c’est cette manière de penser et d’exprimer qui peut être dite vraie ou fausse.
    Conclusion décisive qui nous impose une revue des différentes manières de connaître et d’expérimenter afin de déterminer de quoi dépend leur sens et leur valeur.
  5. Incertitude de la connaissance par ouï-dire et par expérience errrante ( De l’incertitude, 11,12,15,22,23.)
    Je connais < par ouï dire > ce dont je n’ai aucune expérience. Ainsi du passé qui m’est enseigné, des pays que je n’ai jamais visités et une grande partie des sciences de la nature. Je ne recommence pas les expériences faites par d’autres. Et je tiens habituellement pour vraies ces connaissances.
    En quoi je me trompe.
    L'< expérience errante > est la deuxième manière de connaître : c’est constater des événements qui se présentent à nous. Elle est fonction du hasard et de la contingence. Et < l’incertitude > est son caractère propre. La connaissance vient alors d’une heureuse rencontre et de ce point de vue il n’y a pas de différence entre le < sage > et < l’ ignorant >
    De plus < constater un fait >, à quoi se réduit l’ expérience errante, enveloppe que nos sens peuvent nous abuser. Nous pouvons rêver que nous sommes éveillés alors que nous sommes endormis. De plus, nous devons nous fier à notre mémoire puisque l’événement passé ne revient jamais. Or la mémoire peut nous tromper.
    Ainsi, de par sa nature même l’ < expérience errante > – à distinguer de la < connaissance errante et méthodique> – est généralement incertaine.
  6. De l’existence et de l’essence comme fantasme. ( De l’ incertitude. 38, 48, 50, 57, 69. ‘Patapolitique 2.2.)
    < Une chose n’a pas de nature>
    Une chose est un complexe fini de circonstances indéfinies.
    Je puis < concevoir > très clairement un homme sans que pour cela il existe. Cependant pour que je le puisse < connaître > il faut qu’il existe. Et les événements qui appellent un être à l’existence ou qui le chassent de l’existence entrent dans sa définition et constituent seuls la matière de cette définition. Ils dépendent de certaines autres choses ou d’un certain état de ce que nous appelons < l’ Univers >
    Par suite étudier l’existence et les conditions d’existence d’un être, c’est l’étudier lui-même. Et rien n’est plus vrai de lui quand il est mort ou détruit, par exemple que l’homme serait sociable et raisonnable. Il n’y a rien en lui d’ éternel. Il ne possède ni nature ni essence ; et on ne peut envisager que < ce qui lui arrive >
    Ce n’est qu'< un complexe éphémère d’accidents >
    Et ce qui constitue l’idée vraie d’un être signifie le moment où cet être apparaît dans l’existence et le temps qu’il y passe.
    Et il n’y a de vérité que de l’expérience.
  7. Que les idées générales et abstraites sont tout à fait précises, pertinentes et suffisantes. (Pataphysiques 2, P.40, Sch.1. De l’incertitude, 31, 47, 56. )
    La connaissance expérimentale n’a d’autre raison que son utilité pratique. Elle évolue pour cela et à cause de cela < dans l’ abstrait et le général, dans les mots >
    L’utilité suppose qu’elle permette l’application, à d’autres cas semblables, de ce qui a été constaté. Je sais par expérience que j’aimerai ou que je haïrai parce que j’ai vu des êtres qui me ressemblent aimer ou haïr ; et < le vrai résulte de la formule générale > que j’en tire bien qu’il y ait autant de manières d’aimer ou de haïr qu’ il y a d’ hommes. Car < ce qui existe au sens strict c’est tel manière déterminée > d’ aimer ou de haïr.
    Et il n’est point d’autre voie pour saisir le particulier.
  8. De la connaissance déductive ou Raison. ( De l’incertitude, 15, 24 ; Lettres, 42.)
    Si nous passons maintenant aux systèmes déductifs nous rencontrerons un type de vérité indépendante des hasards qui amènent les êtres à l’existence.
    A envisager les symboles et enchaînements de symboles et à considérer la mécanique formelle de la déduction qui les constituent nous remarquerons leur manière d’ être purement formelle, leur < vérité de définition >
    Les < objets > logico-mathématiques n’ont pas d’équivalents naturels et le cercle ou la sphère ne peuvent être empiriquement constatés.
    La vérité ou l’erreur ne consistent qu’en un certain rapport entre ces idéalités, effet d’ une axiomatique et d’un calcul ou d’une déduction plus ou moins correcte.
  9. différence entre la chimère, la fiction et l’idée vraie. ( De l’incertitude , 33, 34, 36 , 37.)
    Il n’y a pas de différence entre une fiction et une idée vraie. Car toutes nos idées ne sont en fait que < feintes >, des fictions. Mais la différence entre une < chimère > et une idée vraie résulte de la distinction de deux < jeux de langage > distincts.
    Dire que les arbres parlent, est un énoncé poétique, une chimère. Cet énoncé n’ étant pas une proposition n’est ni vrai ni faux. Il ne relève pas de la logique mais du < merveilleux >. Si toutefois je prétends analyser la valeur de vérité de cet énoncé je déduirai sa fausseté de ce que mon expérience ne me permet pas de le valider. Je puis certes suggérer dans ma rêverie qu’ un arbre parle ; je puis certes associer successivement ces deux mots en une phrase signifiante mais je n’en ai pourtant aucune idée.
    Les < chimères > ne consistent donc que dans des mots et des fantasmes. Leur réalité est à la fois mentale et verbale. Quant aux idées, c’est-à-dire aux < fictions vraies >, elles résultent toujours de la déduction logique ou expérimentale.
    Et on ne connaît un événement que par le détour de l’idée qui cependant ne signifie nullement pour une essence.
  10. Ce que c’est que de prétendre connaître les choses comme éternelles ( ‘Pataphysiques 2, P.44 ; De l’incertitude, 57, 67. )
    Prétendre étudier l’Homme, la Nature et Dieu dans leur vérité est une conduite insensée quoique signifiante. Car ces mots ne désignent que des < abstractions réalisées >, de pures < chimères > métaphysiques.
    Et c’est là donner de surcroît de simples émotions pour des objets réels. C’est mêler affectivité et réalité.
    Cependant que constituer poétiquement les fictions de l’Homme, de la Nature ou de Dieu en < univers supplémentaires > aurait certainement une < valeur ‘pataphysique >.
    Celle d’un < jeu >.
    D’un autre côté, étudier les hommes et les phénomènes naturels suppose qu’on les appréhendent non pas dans leur essence mais selon < la gamme de leurs rythmes >, dans leur réalité changeante et périssable dont nous constatons l’existence. Et pour la connaissance humaine il n’y a de vérité que de l’existence, l’existence de toute chose dépendant d’une série d’autres existences, de causes et de circonstances, et cela indéfiniment.
    Ainsi l’essence étant synonyme d’éternité et de fixité ne peut qu’être dite et imaginée. Elle ne saurait donc être étudiée dans sa vérité. C’est l’effet d’ une < vision > c’est-à-dire une pure chose mentale, un mode du < merveilleux métaphysique > ou, plus rarement, de la ‘pataphysique opérative.
  11. Que la déduction se suffit à elle même ( Lettre, 45 )
    La déduction ne suppose aucun genre de connaissance extérieure à elle même sans lequel elle ne serait pas. La vérité d’une déduction correcte résulte de ce que chaque chose est connue comme engendrée par une autre et celle-là par une autre et indéfiniment.
    Et il n’est aucunement nécessaire que quelque chose soit vrai par soi.
    Les systèmes déductifs reposent sur la décision du choix de leurs axiomes.
    L’expérience est la source et fournit la matière de la connaissance empirique.
    La < décision > et l'< expérience > sont donc les pierres de touche de la connaissance humaine.
    Car il ne s’agit jamais de donner la cause d’une essence éternelle ; il s’agit de donner la cause, c’est-à-dire < l’ensemble des circonstances > d ‘un fait, d’ < un rythme de rythmes >. Et la vérité est < de jugement >, elle n’est jamais dans la chose ; épreuve et à l’épreuve des faits, elle s’accompagne du sentiment psychologique de certitude.
    On ne saurait donc quitter le changement et la temporalité ni s’élever à < l’éternité > par la connaissance.
  12. En quel sens la déduction suppose la connaissance intuitive. ( ‘Pataphysiques, 2, Prop,40, Scholie 2 ; De l’incertitude, 15, 25. )
    < Les idées ne sont que relations, complexes de relations et relations entre les relations > Elles sont engendrées par l’activité intellectuelle et ne préexistent nullement à cette activité. Elles sont le produit de la déduction, de l’inférence et de l’induction.
    Les systèmes logico-mathématiques ne sont que signes et mécaniques de signes où la sensibilité n’intervient pas.
    La sensibilité intuitive est au contraire à la source de la connaissance expérimentale, de ses concepts, de ses fonctions, de ses modèles et de ses lois.
    < Et il n’ y a pas de connaissance du troisième genre >
  13. Que le vrai est nécessairement connu médiatement. ( ‘Pataphysiques, 2, Prop. 43, Scholie ; De l’incertitude, 26. )
    < La vérité est distincte de la certitude >
    La vérité est un concept de métalangage logique qui se dit des propositions démonstratives et inductives ; la certitude est une notion psychologique qui traduit l’assentiment donné par le sujet qui donne ces propositions pour évidentes.
    Et je ne peux être certain que je sais qu’après être certain que je sais que je sais.
    La certitude est donc médiate et différée et suit toute réflexion sur la certitude. < On n’entre pas dans le vrai > Mais on reste toujours < en dehors > du vrai qui est de métalangage.
    Et le métalangage accompagne le langage comme son ombre portée.
  14. Ce qu’est la méthode ‘pataréflexive. ( De l’incertitude, 26, 60. )
    La méthode ‘pataréflexive consiste à enchaîner les idées et à les expliquer les unes par les autres. A raisonner sur les causes des êtres et les causes de ces causes. D’après les circonstances. C’est là la vraie réflexion, la matière effective de la réflexion et son soutien.
    Toujours hypothétique, elle côtoie le faux et rencontre le douteux qui sont marques de la nécessaire < incertitude humaine > Idée de l’idée, elle porte sur le procès de connaissance et d’inconnaissance, sur les degrés d’incertitude reconnues médiatement et expérimentalement.
    < La vraie réflexion est ainsi la réflexion sur la pérenne incertitude>
    Et on ne saurait donc partir de la Vérité. Car pour connaître il est nécessaire de prendre appui sur les axiomes et sur l’expérience.
  15. Qu’on ne peut rien fonder sur l’idée de Dieu. ( De l’incertitude, 38 )
    < Le faux est > La fausseté n’est pas simple absence de l’idée vraie. Effet propositionnel et discursif elle est quelque chose de positif. Une idée fausse n’ est pas la perversion seconde d’une idée vraie première qui la précéderait. Si nous avons des idées incomplètes et mutilées cela résulte de ce que nous nous trompons.
    Et, contrairement à la thèse de Spinoza, Dämon Sir affirme que < les idées vraies ne sont nullement complètes et adéquates pour l’éternité >
    Si donc l’erreur est source positive du faux qui n’est nullement précédé par le vrai, et que < la vérité est construite médiatement et dans le temps de l’activité intellectuelle>, il ne saurait donc exister un < Tout des idées vraies > dans la réalité médiate de chaque idée.
    Et chaque idée ne suppose aucunement la totalité des idées et par suite une prétendue < Pensée parfaite > dont notre pensée ne serait qu’ un moment.
    Et c’est pour cette raison qu’il est impossible de définir la < Vérité immédiate et absolue >.
    C’est pourquoi < Dieu n’est qu’un mot > lui même source de bien des maux…

Faverolles Du Sans-Nom ( Cosmontologie ‘pataphysique )

  1. Idée du Sans-Nom ( ‘Pataphysiques, 1, déf 3 et 6 ; De l’incertitude, 39, 51 ; Lettres, 39. )
    J’entends par < Sans-Nom >, < Sans forme > ou < Chaos >, ce dont on ne peut dire s’il est ou non en soi et conçu par soi et dont l’idée, inconcevable, ne saurait, pour être formée, être dérivée de l’idée d’une autre chose quelconque.
    Et on ne peut partir que de cette idée < médiatement conçue >, déduite comme irréductible mais < incompréhensible > corrélat de notre expérience. Cette idée est sans relation avec l’idée du vrai ; elle n’a qu’un rapport problématique avec l’idée de l’être total, absolu, parfait, avec l’idée de Dieu.
  2. Existence du Sans-Nom ( ‘Pataphysiques, 1, P. 7, 11 ; De l’incertitude, 29 ; Lettres, 53 )
    Le Sans-Nom est, en dehors de toute nécessité et de toute contingence. Sans qu’on puisse affirmer s’ il est ou non cause de soi et que son existence est ou non enveloppée par une quelconque essence.
  3. Unicité du Sans-Nom ? ( ‘Pataphysiques, 1, p.12, 13, 14 ; Lettres, 39 )
    Il est impossible de poser que le Sans-Nom est ou n’est pas unique ; < la cause et l’origine du Sans-Nom nous échappant > S’il était unique la cause de son existence serait son essence ; s’il était multiple il ne suffirait pas d’invoquer sa nature, il faudrait de surcroît trouver la cause de l’existence de chacune des occurrences de cette multiplicité.
    Or cette tâche nous est impossible à satisfaire puisque < nous ne pouvons sortir des limites de notre expérience >
  4. Eternité, sempiternité, temporalité du Sans-Nom? ( ‘Pataphysiques, 1, 19, 20 ; Lettres, 29)
    Le Sans-Nom est-il éternel, hors du temps ? Si le Sans-Nom était chose particulière, il existerait dans la durée, il commencerait et finirait ou sa durée serait indéfinie, la cause qui l’amène à l’existence étant différente de son essence ou de sa définition. S’il était Totalité de l’être, il existerait par définition et on ne pourrait concevoir en lui ni commencement ni fin, ni durée.
  5. Le Sans-Nom est-il cause universelle ? ( ‘Pataphysiques,1, P.16, 18. )
    Il nous est impossible de savoir si tout ce qui est dans notre expérience et si tout ce qui excède notre expérience est d’une part expression du sans-Nom, d’autre part conçu par le Sans-nom.
    Si le Sans-Nom était infini, il n’y aurait aucune raison de limiter le nombre et la variété des êtres qui sont en lui et conçus par lui; c’est à dire qui résulteraient nécessairement de sa nature. Mais c’est là < pure conjecture à jamais invérifiable >
    Et il nous est impossible d’affirmer que le Sans-Nom est non seulement cause de l’existence des êtres mais aussi cause de leur essence, dans la mesure où concevoir les choses serait comprendre leur essence et que c’est par le Sans-Nom qu’elles pourraient être conçues.
  6. De la < matière-lumière-espace-temps > ( M-L-E-T ) comme attribut du Sans-Nom et de la pensée.
    (‘Pataphysiques, 1, Déf. 4, P. 9, 2, P.1 et 2 ; Lettres, 29 )
    Nous pouvons connaître les < choses / événements-lignes d’univers > de deux manières ;
    -en constatant leur existence factuelle dans l’ espace-temps ;
    -en les définissant, c’est à dire en établissant en leur vérité les relations fonctionnelles des facteurs qui les composent et les intègrent en < réseaux toujours plus ou moins précaires >
    Ces deux manières sont indépendantes l’une de l’autre. Tout comme la logique est distincte de l’ existence.
    Et il n’y a qu’une manière de considérer le Sans-Nom. A savoir comme < le plan d’immanence > des < corps > qui entrent et sortent de l’existence poussés et chassés par d’autres corps qui eux-mêmes apparaissent et disparaissent.
    Nous nommons < matière / lumière – espace / temps > ( M-L-E-T ) leur nature commune et leur lien.
    Cet attribut est sans commune mesure avec l’ Encyclopédie ou < pataphysique objectif > ou encore totalité des idées en tant qu’elles s’expliquent les unes par les autres et sont produites par l’activité intellectuelle humaine.
    Et ce < pataphysique objectif > doit être distingué d’un supposé philosophique < transcendantal objectif >
    La pensée, l’encyclopédie, le < pataphysique objectif >, n’est donc pas un attribut du Sans-Nom. Mais elle en est comme un reflet ou un écho dans un miroir.
    Le fait et la vérité sont donc distincts, comme le réel l’est du rationnel. Et il n’y a pas de Dieu qui serait < tous les faits et toutes les idées >
    < Hors des notions de la matière / lumière – espace / temps et de la pensée, enfin, il n’ y a que vaticination>
  7. Des modes ou < choses / événements – lignes d’univers > ( ‘Pataphysiques, 1, Déf. 5. )
    Nous appelons < modes du M-L-E-T >, les < corps > ou < choses / événements – lignes d’univers > singulières existantes et soumises à la génération et à la corruption ( Réseaux de galaxies, galaxies, systèmes planétaires, objets astronomiques, champs divers, systèmes écologiques, corps vivants, ensembles psychologiques dynamiques individuels et interindividuels, groupes sociaux, communautés, cultures… ).
    Nous appelons < modes de la pensée > les idées ou relations fonctionnelles entre les idées.
    L’ entité < corps > -< rythme de rythmes >-, tient son existence de ce qui l’entoure et de ce qui comme tel le constitue ( réseau, champ, connexion, interférence, traduction… ) ; l'< idée > est relation en relation avec d’ autres idées au sein des lois, modèles, théories explicatives des phénomènes de l’univers représenté, perçu et connu.
    Et < il n’y a pas de de vérité absolue du tout > ; puisque ces vérités diffèrent des choses en elles-mêmes comme la pensée diffère du Sans-Nom. De telle sorte qu’on peut affirmer que < l’ordre et l’enchaînement des idées est distinct de l’ordre et de l’enchaînement des choses >
    Les choses enfin disparaissant, leurs idées disparaissent avec elles et ne sauraient être comprises dans la prétendue < idée infinie de Dieu > Car l’idée n’a qu’une existence de fait liée à l’existence de la chose dont elle est l’idée. En effet toute idée finie a pour cause la pensée en tant qu’activité contingente et finie.
    < L’idée est donc doublement liée à l’existence > En tant qu’idée d’une chose et en tant qu’ effet de la pensée finie.

Savigny sur Ardre ( du pataphysique objectif et de la pensée )

De la pensée ou comment elle est séparée du corps ( ‘Pataphysiques, 2, P.11 ; 3, P.2 )
1. L’homme qui existe actuellement, cet homme, est à la fois corps et pensée.
< Corps >, c’est-à-dire considéré sous l’attribut M.L.E.T. ; et < pensée >, c’ est-à-dire considéré comme aptitude actuellement réelle, distinguée du corps mais en relation au corps, ou encore < activité psychique dans son ensemble ; soit : sentir, imaginer, se souvenir, méditer, douter, affirmer, nier, juger, vouloir, etc. >
Et l’on voit que la pensée – < source et effet du pataphysique objectif > -, n’ est en rapport avec le Sans-Nom que d’une seule façon, savoir comme existence finie et temporellement concevable. Mais < la pensée et le corps de l’homme sont unis et néanmoins distincts > de la même manière que le pataphysique objectif est d’une certaine manière en relation avec le Sans-Nom quoiqu’il en soit lui aussi néanmoins distinct.

  1. 2. Que la pensée perçoit ce qui se passe dans le corps ( ‘Pataphysiques, 2, P.12.)
    2.1. La pensée -l’activité psychique dans son ensemble- est donc perpétuel changement, lui même lié aux changements incessants du corps et de son environnement. Et ces changements de la pensée sont ses représentations conscientes : sensations, associations d’idées, souvenirs, images, perceptions, d’une part ; affects , émotions, sentiments, passions, d’autre part.
    Et < la pensée ne peut être dite exister seulement que dans la discontinuité de ces représentations >
    < Substance > et < continuité > n’étant qu’ apparences, effet rétrospectif de l’imagination réflexive.
    Toutefois la pensée ne saurait percevoir tout ce qui se passe dans le corps. Cependant qu’elle tire de son propre fonds son aptitude à la représentation et à la perception des choses.
    D’un autre côté < elle ne saurait en être la simple expression ou le reflet, ou encore l’épiphénomène >
    2.2. Car < on ne saurait réduire le psychique au physique >, la qualité à la quantité, la représentation au neurone, la pensée à l’étendue.
    Certes < les faits psychiques ont une réalité mais en un tout autre sens que les réalités matérielles > Internes, subjectifs et inétendus, ne possédant pas de grandeur propre, ils échappent à la mesure. Non localisables dans l’espace, inextensifs, nous ne les expérimentons que par la conscience, le sens interne.
    C’est pourquoi < la sensation ne saurait être réduite à un certain état du cerveau > comme sa résultante mécanique ainsi que l’affirme la neuropsychologie. Pas plus qu’elle n’en est le double ou le simulacre.
    Car elle se situe sur un tout autre plan -purement mental-, de l’existence.
    Et si nous appréhendons les choses par l’intermédiaire des sensations dont elles sont les signes, ces sensations ne sont que des moments de notre vie intérieure.
    Et < la seule réalité dont nous avons l’expérience est celle de la succession de ces états de conscience > qui est toute la pensée.
    Ainsi nous faut-il affirmer qu’ < il y a une certaine et relative autonomie de la pensée >
    En conséquence de quoi il nous faut poser que < la vie psychique ne saurait être conçue comme l’immédiate traduction ou épiphénomène du biologique comme prononcent les matérialistes ou simple  » représentant des pulsions  » comme le soutiennent quelques freudiens >

Prin ( de l’invention, de la ‘pataphysique opérative et de la liberté )

  1. De l’imagination, de la mémoire et de la ‘Pataphysique opérative ( ‘Pataphysiques, 2, P. 16, 17, 18 ; De l’incertitude, 41 )
    1.1. La pensée en son dynamisme psychique peut se représenter comme si elle était présente la réalité des corps qui ne sont pas présents < Elle peut aussi produire par son propre effort des représentations d’ objets qui n’ont pas d’équivalents dans le monde >
    Et elle n’est ainsi nullement condamnée à seulement reproduire d’après des traces, des signes ou des archives. Elle les peut reprendre, < elle peut inventer > Fantasmes, rêveries, visions, utopies sont en son pouvoir ou < puissance d’élaborer du radicalement nouveau >
    Et < c’est dans ce clinamen, ce pouvoir de s’écarter consciemment du déjà donné que constitue proprement sa liberté >
    1.2. Par suite < les actes d’ imagination de ce genre ne renferment aucune erreur >
    -L’imagination reproductrice est une capacité primitive, qu’elle soit une donnée immédiate de la conscience à la manière de l’épisode proustien du < pavé de l’ hôtel de Guermantes >, ou l’effet d’un effort de rappel. Ses représentations ne sont ni vraies ni fausses ; elles sont.
    -Il en est de même pour ce qui est de l’imagination productrice d’objets imaginaires, échappant par définition aux critères de vérité et de fausseté.
    -De même encore en ce qui concerne la < ‘Pataphysique opérative >
    Et < la représentation comme la production loin d’être indices de notre faiblesse sont bien plutôt l’expression de notre puissance >
    1.3. Et c’est pourquoi on ne saurait réduire la mémoire à n’être que < l’enchaînement des idées qui enferment la nature des corps extérieurs selon l’ordre de l’enchaînement des modifications du corps >
    L’ < invention >, quant à elle, ne saurait se ramener à la syntaxe et < aux lois de l’ asssociation des idées >
  2. De la connaissance errante et méthodique. Et comment elle n’est pas nécessairement source d’erreurs. (‘Pataphysiques, 2, 25, 26, 30,31 )
    La pensée ne peut connaître les corps extérieurs comme existant que par les représentations des modifications de son propre corps. Et si l’existence des corps est pour elle un fait d’expérience immédiate, la connaissance directe de ces corps lui échappe.
    Car il faut affirmer que < notre expérience se réduit à l’existence et aux modifications de notre corps en relation avec les corps extérieurs >
    Et < de ce ce point de vue l’idéalisme est irréfutable >
    Néanmoins constater qu’une chose extérieure existe n’est pas nécessairement inducteur d’erreur. De surcroît < le fait que notre connaissance des événements ne soit jamais complète ne signifie pas pour autant qu’ elle soit trompeuse > Car il faut distinguer la vérité d’une connaissance -en sa clarté et sa distinction-, de son exhaustivité.
    Et la cause de l’erreur résulte non pas tant de l’incomplétude de la connaissance -puisque la connaissance d’ une chose-événement est toujours plus ou moins partielle-, que de ce que nous donnons notre assentiment à des propositions logiquement incohérentes ou insuffisamment vérifiées à propos de ces choses-événements ou lignes d’univers qui se présentent à notre pensée.
    Et < en cet assentiment ou cette indifférence de notre jugement à la proposition réside toute notre liberté >

Crugny. ( de l’origine des idées générales et de la formation des idées de contingence et de temps )

  1. De la formation des idées générales. ( ‘Pataphysiques, 2; P. 25, 26, 28, 30, 31. )
    De la connaissance errante et méthodique naissent < les idées générales >, ou représentations abstraites des classes d’objets donnés dans l’expérience ou encore concepts. Ces généralités empiriques se forment par < l’ habitude > eu égard aux similitudes constantes qui conviennent aux individus d’une espèce donnée.
    Et < il n’ y a pas d’idées universelles > ou encore de concepts idéaux, pures fictions de l’idéalisme intempérant et visionnaire ou Pythagorisme platonicien, augustinien, husserlien ou autre.
    < De ce que notre pensée n’a pas la capacité d’apercevoir les petites différences des images des corps qu’elle représente il n’en résulte pas nécessairement qu’elle en juge mal par la formation de généralités qui seraient source d’erreurs et de stériles discussions >
    Car désigner par un unique vocable un grand nombre de < choses-événements > en considérant comme identiques ces choses-événements qui produisent sur notre corps à peu près le même effet n’est pas mécaniquement source de confusion. Puisque un grand nombre d’êtres particuliers ne peuvent être désignés que par un seul mot.
    C’est pourquoi < les idées de ce genres -termes transcendantaux tels que choses-événements ou concepts généraux tels que cheval, chat ou chien-, ne peuvent être rejetées comme confuses > dès lors qu’on s’est avisé qu’ on ne peut saisir le particulier qu’au moyen d’idées aussi générales qu’elles sont abstraites de l’expérience.
    Mais des erreurs fréquentes résultent tant de la méprise qui confond le mot et le concept -réalisme conceptuel- que de l’illusion réaliste qui consiste à confondre le mot et la chose, à hypostasier les signes -réalisme nominal.
  2. De l’origine de l’idée de contingence ( ‘Pataphysiques, 2, P.44 )
    < Les choses sont contingentes >
    Elles sont. Cependant elles auraient pu ne pas être. Et elles n’émanent nullement de toute éternité d’une Providence ainsi que le prétend la Vision abrahamique, judéo-islamo-chrétienne, ni ne sont déduites d’une nécessité aveugle, ni n’expriment un quelconque destin ainsi que se le figuraient diverses mythologies archaïques.
    Et la catégorie de < hasard, opérateur d’ inintellibilité du Sans-Nom > – catégorie explicative à portée cosmologique et métaphysique- , exprime cette absence de finalité.
    Aussi, connaître les circonstances qui font qu’une chose-événement entre dans l’existence ou sort de l’existence ne signifie pas déceler la manifestation d’une intention ou d’un plan. Et < tout n’est pas lié dans l’univers ni de la même façon contrairement à la vision mystique prévalente dans l’histoire de la philosophie occidentale >
    Cette < doctrine de l’interpénétration > selon laquelle les objets ne sont pas réellement séparés mais sont seulement conçus comme étant séparés par l’intelligence analytique, se rencontre dans toutes les mystiques depuis Parménide et Plotin jusqu’à Bergson.
    Et l’univers connu peut être conçu comme formé d’entités localisables dans l’espace-temps ou < faisceaux de qualités coprésentes > signifiés par un nom propre. < Ces événements-faisceaux non récurrents de qualités elles mêmes dépourvues de continuité spatio-temporelle sont des complexes de variables qui constituent leur réalité physique >
    Et < ces entités ne peuvent interagir que localement > au sens que la théorie de la relativité donne à ce mot, c’est-à-dire exclusivement via des interactions ne se propageant pas plus vite que la lumière.
    Il existe des cas où -selon la relativité restreinte-, on est certain que de deux événements aucun n’influence l’autre : c’est lorsqu’ ils sont si éloignés dans l’espace et si rapprochés dans le temps que la lumière n’a pas le temps de les relier.
    D’après < le principe de séparabilité ou de localité >
    Enfin, lorsqu’un événement se produit d’une certaine façon, si nous sommes portés à croire qu’il aurait pu être autre, c’est qu’effectivement il aurait pu l’être.
    Car < la contingence est inhérente à l’être >
    Et < le chaos déterministe > – concept < lux-iférien > (sic) exprimant simplement le dynamisme asensé des métamorphoses énergétiques à l’oeuvre dans le Sans-Nom -, < est présent à toutes les échelles d’ observation des choses-événements de l’univers représenté >
  3. De l’origine de l’idée de temps (‘ Pataphysiques, 2, 44. )
    C’est pourquoi < l’idée de contingence a bien un fondement dans la réalité > Elle n’est pas seulement l’effet de notre imagination errante ; elle n’est pas l’effet de notre ignorance.
    De plus < se représenter les choses-événements dans le temps, ce n’est pas nécessairement se tromper >, en juger seulement d’après les modifications de notre corps ainsi que le prétend Spinoza.
    Et si la confiance avec laquelle nous attendons le retour des événements dépend psychologiquement de la façon dont leurs images sont liées dans notre corps, si nous sommes ainsi portés à croire, lorsqu’un événement se produit d’une certaine façon, qu’il aurait pu être autre, cette idée ne résulte pas seulement de ce que nous nous représentons d’avance le temps à venir d’après les liaisons qui existent entre les différentes modifications de notre corps.
    Car < l ‘idée de temps n’est pas un effet de l’imagination comme l’ affirme l’auteur de l’Ethique mais une théorie nécessitée par des résultats expérimentaux et exprimés par des formules mathématiques >
    En effet, tandis que les événements qui affectent un bloc de matière-énergie donné ont un ordre défini dans le temps du point de vue d’un observateur qui partage son mouvement – et c’est notamment en raison de cela qu’on le peut dire < bien fondé > -, les événements qui concernent des blocs de matière-énergie dans des lieux différents, n’ont pas toujours un ordre déterminé dans le temps.
    Car dans le contexte de la physique relativiste il nous faut admettre que dans certaines limites, il n’existe pas un ordre de temps déterminé entre les événements qui ont lieu dans des endroits différents.
    Et le temps habituellement considéré comme temps cosmique n’est jamais qu’ un temps local, un temps lié au mouvement de la terre.
    C’est pourquoi il a fallu introduire la synthétique fonction conceptuelle < espace-temps > en place des deux concepts séparés d’ espace et de temps.
    < L’idée de temps n’est donc pas une idée confuse >.
    Tout au plus est-elle une idée incomplète dont la physique relativiste a transformé et enrichi le sens et la portée.
    De même qu’elle a bouleversé les idées de progrès, de distance spatiale, de corps, de matière ou encore de substance. Et les événements fugitifs peuvent être considérés comme des substances selon le sens logique, c’est-à-dire comme des sujets qui ne peuvent être des prédicats.
    < Toutefois un morceau de matière n’ est pas une entité stable mais un chapelet d’entités. Et il en est d’ailleurs de même de l’esprit. La stabilité du moi et de la vie mentale n’est qu’ illusion. Tout comme l’atome, elle n’est que chapelet d’événements >
    *
    En conséquence : < la connaissance errante et méthodique -à distinguer de la simple expérience errante-, ne saurait être dite une connaissance confuse >

Igny l’Abbaye : de la volonté, de la ‘pataphysique et du clinamen.

  1. Que la volonté est distincte de l’entendement et le jugement de l’idée.
    (‘Pataphysiques,2; : P.49 )
    L’erreur, ce n’est pas simplement l’absence de vérité. Et se tromper n’est pas simplement en être réduit aux perceptions. Il n’y a pas d’autre manière de connaître que celle qui consiste à deviner tant bien que mal la présence ou l’absence des choses d’après les modifications qui surviennent dans notre corps.
    Certes < nous sommes irrémédiablement prisonniers de notre corps ; nous ignorons l’être ; nous ignorons la nature du Sans-nom >
    Et il est nécessaire pour expliquer l’erreur de < supposer dans l’esprit une volonté comme l’a fait Descartes > Mais cette volonté n’est pas un exemple remarquable de ces fausses idées générales où nous ne mettrions pas autre chose qu’un mot et qui sont en réalité très confuses.
    Car il s’agit d’une idée < L’idée de la classe des volitions singulières que nous éprouvons comme la manifestation d’une donnée immédiate de notre existence >
    Et si parler de < volonté générale >, c’est prononcer un mot tout au plus, il y a une infinité de manières particulières de vouloir ; ce sont ces manières différentes de vouloir qui existent.
  2. En quel sens on peut affirmer que la volonté est libre ( ‘Pataphysiques 2, P.48, 49.)
    Cette < donnée immédiate de l’existence >, nous l’éprouvons comme la marque d’une liberté finie, en un sens indépendante du Sans-Nom et du cours des événements qui ne sauraient être déduits de supposées lois éternelles, ainsi que l’affirmait l’auteur de l’Ethique
    < Se savoir libre, ce n’est pas seulement se croire libre >. Et si avoir conscience de sa liberté, c’est le plus souvent ignorer les causes qui nous déterminent, c’est aussi assez souvent < connaître les circonstances locales de notre conduite et de notre pensée >
    Car < nous jouissons d’une relative puissance sur les événements locaux > ; nous devons les accepter et les comprendre d’ après le chaos déterministe de leur émergence et de leur succession ; mais nous pouvons parfois aussi en infléchir le cours.
    Et c’est en modifiant les événements de sa vie que la puissance de l’homme se manifeste. Elle porte sur son corps, sur ses passions, sur ses idées comme sur les événements proches qui l’affectent.
    Et < il y a pour l’ homme la possibilité d’un écart, d’un jeu, dont la’ pataphysique est la preuve et l’épreuve. Tel est le sens qu’ il faut conférer à l’ idée du clinamen >
    05.04.2000.

Sur l’esprit fort
En suivant La Bruyère, divertissement / traduction
  Extraits d’une communication du Sérénissime Pataphile-Episcope à Ubudore de Patagonie à l’ occasion du jubilé de son cinquantenaire.  

*****
De la force d’ esprit
 Les esprits faibles savent-ils qu’on les appelle ainsi par commisération ? Quelle plus grande faiblesse que d’être certain du principe de son être, de sa vie, de ses sens, de ses connaissances, et quelle doit en être le dessein ? Quel ennui plus grand que de savoir si son âme n’est point matière comme la pierre et le reptile, et si elle n’est point corruptible comme ces créatures ? N’ y a-t-il pas plus de force et de grandeur à refuser à notre esprit l’idée d’un Être supérieur à tous les êtres, qui les aurait tous faits et à qui tous se devraient rapporter ; d’ un être souverainement parfait, qui est pur, qui n’ a point commencé et qui ne peut finir, dont notre âme serait l’ image, et si j’ ose dire, une portion, comme esprit et comme immortelle ?

  1. Quelques-uns achèvent de se former par de longues lectures, et gagnent le peu de scepticisme qui leur manquait ; ils voient de jour à autre une nouvelle chimère, diverses moeurs, plusieurs marottes ; ils ressemblent à ceux qui accèdent aux lieux d’aisance du Débat, indéterminés sur le choix des fables qu’ on leur propose ; le grand nombre de celles qu’on leur montre les rend plus indifférents ; ils ne se fixent point et sortent dubitatifs.
  2. Il faudrait s’éprouver et s’ examiner très sérieusement avant que de se déclarer esprit fort, ou ‘pataphysicien, afin au moins, et selon ses principes, de pouvoir finir comme l’on a vécu.
  3. Toute plaisanterie dans un homme mourant est bien à sa place ; si elle roule sur certains chapitres, elle est salutaire. C’est une extrême habileté que de donner à son crédit à ceux que l’on laisse le plaisir d’un bon mot.
  4. Dans quelque prévention où l on puisse être sur ce qui doit suivre la mort, c’ est une chose bien frivole que de mourir : c’ est tout autant le badinage qui sied bien alors que la constance ( voir la mort de Saint-Evremond et celle de Dämon Sir )
  5. J’aurais une extrême curiosité de voir ceux qui sont persuadé que Dieu est ; ils avoueraient du moins les sophismes qui les ont pu convaincre.
  6. L’impossibilité où je suis de prouver que Dieu n’est pas ne me découvre pas son existence.
  7. Je ne sens pas qu’il y a un Dieu, et je ne sens pas qu’ il y en ait un : cela me suffit, tout le raisonnement du monde m’est inutile ; je ne conclus pas. Cette expectative est dans ma manière, bien que je n’en reçusse point les principes dans mon enfance ou qu’ayant été instruit je les eusse conservés depuis dans un âge avancé pour les soupçonner de fausseté. -Mais il y a des esprits qui ne se défont pas de ces principes. -Peut-être est-ce une question s’ il s’en trouve de tels ; et, quand il serait ainsi, cela prouve seulement qu’ il y a des machinaux.
  8. Le théisme n’est point. Les dévots qui en font le plus protestation sont trop paresseux pour décider en leur esprit que Dieu n’est pas ; leur aveuglement va jusqu’à les rendre froids et indifférents sur cet article si capital, comme sur la nature de leur esprit et sur les conséquences d’un vrai pyrrhonisme.
  9. Un puissant croit s’évanouir, et il meurt ; un autre puissant périt insensiblement et perd chaque jour quelque chose de soi-même avant qu’il soit éteint : minuscules enseignements et fort utiles ! Des circonstances si marquées et si sensiblement opposées sont parfois relevées et touchent quelques-uns ; certains hommes y prêtent la même attention qu’à une feuille qui se fane ou à une feuille qui tombe ; ils sourient des places qui demeurent vacantes, et ne s’ informent point si elles sont remplies et par qui.
  10. < Un Régent de ‘Patasophie, un Optimate du Collège de ‘Patagonie, quels noms ! quelle tristesse dans leurs écrits ! quelle froide ironie, et peut-être quelle sophistique ! >, disent ceux qui ne les ont jamais lus ; mais plutôt quel étonnement pour tous ceux qui se sont fait une idée des Dignitaires si éloignée de la vérité, s’ils voyaient dans leurs ouvrages plus de force de raisonnement que l’on en remarque dans la plupart des livres de ce temps!
    Quel plaisir d’aimer la ‘pataphysique et de la voir crue, soutenue, expliquée par de si beaux génies et par de si solides esprits, surtout lorsque l’on vient à connaître que pour l’étendue de l’ Ascience, pour la pénétration, pour les principes de la pure ‘pataphilosophie, pour leur application et leur développement, pour la justesse des apories, pour la légèreté du discours, pour la beauté de l’amoralité et l’absence de sentimentalisme, il n’ y a rien, par exemple, que l’on puisse comparer à Emmanuel Peillet que Latis, Jean Hugues Sainmont ou Mélanie Le Plumet.
  11. Il y a deux espèces de libertins : les libres penseurs, ceux du moins qui croient l’ être, et les « hypocrites », les libres esprits ou vrais libertins, c’est à dire ceux qui ne veulent pas être crus libertins. Les derniers dans ce genre sont les meilleurs.
  12. Si on ne goûte point ces Considérations, je m’en étonne ; et si on les goûte, je m’en étonne de même.
    16.06.2001