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vers accueil vers ouvroir-de-pataphysique

 Geste des opinions du docteur lothaire liogieri
 

LE VERGER DE PATASOPHIE

EPSON DSC picture

La carole dans le verger de Déduit
Atelier du Maître  de Jouvenel des Ursins, Anjou, vers1440.
Paris, B.N.F. ms. fr. 19153.
*** 
Or, à en croire nombre de sages, la vie humaine est elle-même un jeu ;
certains avancent qu’elle est quelque chose d’encore plus léger et que,
dans toutes ses péripéties, la conduite d’une partie d’échecs, par exemple,
est plus conforme à la raison que le cours normal de notre vie.
Giacomo Léopardi
Petites oeuvres morales. Concours institué par l’Académie des Sillographes.
 
  

TABLE
Sur quelques concepts de la moralité. Questions / devinettes.
De la < merdre >. Source ou fondement ? Rêve.
Petite morhâle en mots-valises. Jeu.
L’Appeau lithique en mots-valises. Jeu.
Délyres…
Malices… Ronde.
Antilogiques. Exercice.
Limericks / clerihews ‘patasophiques.
Petite histoire des philosophes. Divertissement.
Aux origines de la ‘pataphysique : pour introduire au solipsisme pataphysique. Jacques Rigaut, Propos amorphes. Lecture
La dissimulation ontologique. ( philosophie, poésie,’pataphysique
En suivant Bergson et Julien Gracq ) Questions et réponses.
Le Grabuge par < julien torma > Lecture.

 


LE VERGER DE DEDUIT
 < Car par vie oiseuse et fetarde Puet l’en [ on peut ] à poureté venir >
Roman de la Rose, 10234 
 *
Allégorique le Verger de patasophie ?
Il est à sa manière un miroir brisé du monde des idées à l’usage des amoureux de ‘Pataphysique.
Propos, conversations, jeux, délyres et joyeux devis… se succèdent dans ce jardin séparé de l’agitation du Siècle par une haute muraille recouverte de lierre et de vigne vierge…
Et dont les invités ont franchi le seuil en suivant Dame Oiseuse, maîtresse d’ Oisiveté.
*
Là, étant pour de vrai et dès cette vie
comme en paradis terrestre,
autour de l’Enchanteresse et de Déduit
réunis,
à leurs propos mêlant caresses,
les ‘pataphysiciens et leurs compagnes s’ invitent
à la carole patasophique.
 *
 Linteau
Hommes pensifs, je ne vous donne à lire
Ces miens devis si vous ne contraignez
Le fier maintien de vos frons rechignez :
Icy n’y ha seulement que pour rire.
 
Laissez à part vostre chagrin, vostre ire
Et vos discours de trop loin desseignez.
Un autre fois vous serez enseignez.
Je me suis bien contraint pour les écrire.
 
J’ay oublié mes tristes passions,
J’ay intermis mes occupations.
Donnons, donnons quelque lieu à folie,
 
Que maugré nous ne nous vienne saisir,
Et en un jour plein de mélancholie
Meslons au moins une heure de plaisir.
Bonaventure Des Periers, Sonnet
 


SUR QUELQUES CONCEPTS DE LA MORALITE

-questions-devinettes proposées par Patadelphe-

  1. 1. Qui continue à régner bien qu’ elle ait perdu son sceptre ?
    La conscience.
    Parce qu’elle règne et ne gouverne pas. Valéry.
    1.2. Pourquoi la conscience est-elle hallucination mystique?
    Parce qu’ elle est instinct divin, immortelle et céleste voix. Rousseau.
    1.3. Qu’est-ce qui est représentation, ressassante et maniaque ?
    La conscience.
    Puisqu’elle est le savoir revenant sur lui-même. Alain.
  2. Qu’est-ce qui est au principe du rire, du comique et du Gag ?
    La honte.
    Car elle est sentiment de la chute originelle, non du fait que j’aurais commis telle ou telle faute mais simplement du fait que je suis tombé dans le monde, au milieu des choses et que j’ai besoin de la médiation d’autrui pour être ce que je suis. Sartre.
  3. Qu’est-ce qui est sentiment moral, rabat-joie et qui nous pince ?
    Le remord.
    Parce qu’ il est une espèce de tristesse qui vient du doute qu’on a qu’ une chose qu’ on fait ou qu’ on a faite n’ est pas bonne. Descartes.
  4. Qu’est-ce qui dans l’expérience morale représente une insupportable gêne ?
    Le scrupule.
    Car il est ( selon l’étymologie ) petite pierre pointue, acérée et qui nous gratte. Cicéron.
  5. Pourquoi la faute est-elle poupée gigogne ?
    Puisqu’ elle peut consister non seulement dans le fait de commettre une action ou de prononcer des paroles interdites par la loi, ou dans l’omission de ce que la loi ordonne, mais aussi dans l’intention, dans le propos de transgresser la loi. Hobbes.
  6. Qu’est-ce qui a fondé un Ordre et constitue de surcroît une catégorie péripatéticienne ?
    Le mérite.
    Parce qu’ il est honorée dans la fonction publique. La Chancellerie.
  7. Qu’est-ce qui, ayant conscience de la faute, peut être néanmoins fière de soi ?
    La culpabilité.
    Car elle est l’intériorité accomplie du péché. Ricoeur.
  8. Pourquoi le cynique est-il apprécié des ‘pataphysiciens ?
    Parce qu’à la manière de Diogène il boit son vin au tonneau. Pseudo-Sandomir.
  9. Qu’est-ce qui est source de l’idéalisme, du solipsisme et aussi manifestation du simple bon sens?
    L’amour-propre.
    Puisqu’ il est l’amour de soi-même et de toutes les choses pour soi. La Rochefoucauld.
  10. Qu’est-ce qui se prétend pur amour et n’est qu’ une conduite deux fois insensée ?
    La charité.
    Parce qu’elle honore l’humanité dans le fou, l’idiot, le criminel, le malheureux. Alain.
  11. Qu’est-ce qui est à la fois contrainte et fétichisme ?
    Le devoir.
    Car il ( se croit en ) nécessité d’accomplir une action par respect pour la Loi. Kant
  12. En quoi l’ acte gratuit est-il le comble de la moralité ?
    Parce que si la raison de commettre le crime est de le commettre sans raison (Gide), il ne cherche pas à en tirer profit ou avantage. Thomas d’Aquin.
  13. Qui donc en regard du beau est à la fois mystique et monogame ?
    L’esthète.
    Puisqu’il considère la beauté comme la seule valeur et qu’ il veut ignorer toute considération morale dans ses jugements. Kierkegaard.
  14. Qu’est-ce qui dans le commerce des hommes est la banalité même ?
    La perversité.
    Parce qu’elle est l’ordinaire des comportements sociaux : indifférence à l’égard de la souffrance causée à autrui et absence du sentiment de culpabilité. Jankélévitch.
  15. Qu’est-ce qui, à toutes mains, se donne comme monnaie vivante morale et responsable ?
    La personne.
    Car elle est une existence capable de se détacher d’elle-même, de se déposséder, de se décentrer pour devenir disponible à autrui. Mounier.
  16. Qui peut être dit seul inviolable et colérique, saint et tabou ?
    Le Sacré.
    Puisqu’ il est, dans le déchaînement et la violence, ce qui est mis à part, ce qui est séparé… ce qui ne peut sans cesser d’être lui-même, être mêlé au profane. Bataille.
     
     

 DE LA MERDRE : SOURCE OU FONDEMENT

( genre contrepédagogique )
 

Apparition virtuelle de l’Ombre d’Ubu rapportée à Lucie de la Fère par Epistémon le pataphysicien
 
Rêve
Sur le Mont Sinaïf
( Crépuscule. Feux, chats noirs, chiens. Un patagon. Des femmes. Une Judith avec une tête d’ Holopherne. Une Salomé sans ses voiles, une Hélène, une Messaline, une Cléopâtre, une Mélusine… Elles dansent. Chants. Rires. Envols de corbeaux, diverses chouettes et hiboux, un renard, immense sablier, un pal, etc… On distingue assez mal au loin les ronflements de Mère Ubu… Une forme indistincte s’avance vers le patagon… )
Epistémon ( tout nu, surpris et intimidé ) : – Ah, ça !… qui êtes-Vous donc ?
L’Ombre ( ironique ) : -Je suis Celui qui Suie… Approche Epistémon… viens auprès de Moi…
( Epistémon s’avance, hésitant. Il est alors enveloppé d’ une Nuée, nuage de poussière et d’encens brûlé sur l’Autel des Parfums et qui signale selon le légendaire Patatestamentaire la présence d’ Ubu le Père auprès des ‘pataphysiciens )
Epistémon ( curieux ) : -Prince de la Ténèbre, que tenez-Vous là sous Votre bras ?
L’Ombre ( énigmatique ) : -Un livre, Epistémon… le Livre… le Grand Oeuvre…
Epistémon : -Et quelle est donc la matière de Votre livre ?…
L’Ombre ( large sourire ) : -La matière… les matières !… Tu veux le savoir ?… la Merdre !
Epistémon ( stupéfait ) : -La merdre !… la merdre… Qu’ entendez-Vous par là ?
L’Ombre ( après un temps ) : -La source -non pas le fondement, note-le bien-, de ce que plusieurs nomment dédaigneusement et bien à tort… l’ idéologie…
En ses épiphanies, ses perles et ses béatitudes…
Epistémon ( perplexe mais très intéressé ) : -Maître, la < merdre > a-t-elle une forme particulière ?
L ‘Ombre : -Maintes formes Epistémon… maintes formes…
( Lyrique, crescendo mais comme pour soi-même )
Bouse, crotte, crottin !…
lisier, fumier, laissées !…
fiente, selle, étron !…
litières fermentées,
immondices… gadoues…
Ah, l’ubunivers de vos cogitations !…
( mystérieuse )… Mais, vois-tu… Elle possède moins telle ou telle forme qu’ Elle n’ est un véhicule…
le Grand Véhicule…
Epistémon : -le Grand Véhicule ?…
L’Ombre ( docte ) : -Les mots !… les mots sont la peau-des-pensées… car l’esprit se fait chair…
Epistémon ( surpris ) : -Je ne comprends pas…
L’Ombre ( agacée ) : -L’ anagramme de Merde est Derme, pataniais !…
Epistémon ( soudainement illuminé ) : -Ah, mais c’est bien sûr !…
( suspicieux ) Seriez-Vous donc, Père, un sectateur de la cabale ?…
L’Ombre ( éclats de rire ) : -Quelle innocence !… Non pas… pas même d’ une cabale noire…
Nous n’ en sommes tout de même plus à ces jeux de collégiens…
Mais Taxidermiste, Grand Ecorcheur, Taxinomiste, Grand Empailleur, lexicographe certainement Je suis…
Epistémon ( Ecolier, humble… ) : -Dites-moi… L’anagramme ‘pataphysique aurait-elle… valeur de Signe… d’ Ouverture herméneutique ?…
L’Ombre ( méprisante ) : -L’ Ouvert est baliverne… l’ Acrote est le chemin…
Quant à l ‘anagramme, ce n’ est qu’ un banal procédé littéraire inducteur… parfois suggestif, il est vrai…
C’est le cas…
Epistémon ( poursuivant ) : -Et le domaine de Vos investigations ?…
L’Ombre : -… n’ est autre que l’universelle humaine colique, oui… les entretiens au bord de la merdre.
Epistémon : -A quel genre appartient alors Votre Ouvrage ?…
L’Ombre : -…. A quel genre ?… au genre cacalogique… Le cacalogique est l’Ascience…
Epistémon (pénétré et à voix basse, à la manière d’un enfant répétant sa leçon ) : -L’ excrémentiel… l’ Obscur… l ‘Ascience…
Et quelles en sont les espèces ?…
L’Ombre ( large et assez pédante ) : -… le poétique… notamment dans sa variante lyrique, le rhétorique… le dialectique… le démonstratif, le prescriptif…
Epistémon ( complice et insinuant ) : -C’est pourquoi sans doute Votre vendange sera synonyme de Vidange…
L’Ombre ( enveloppante ) : -En effet… Vidange des rebuts, déchets et excrétales de la < pensée >, éléments résiduels de ce que plusieurs nomment… leur création !… et dont ils tirent tant de vanité… de tout ce qu’ ils apportent au Voiturin à Phynance… la monnaie vivante, forme de la valeur… équivalent général… moyen de circulation des prétendues spirituelles marchandises… la monnaie mentale…
Epistémon : -En ses scories…
L’Ombre ( avec délectation ) : -Oui… en ses rognures, ordures, loques et immondices… en ses chutes…
Epistémon : -Serait-ce la raison, Père, pour laquelle on Vous donne parfois le sobriquet d’Avaleur des valeurs ?…
L’Ombre ( satisfaite ) : -En effet… Mais ma parole, pataniais, tu sembles enfin comprendre…
Voici pour toi… ta récompense… ( s’adressant aux femmes )Vous autres les Vénéneuses, approchez !…
( Un silence. Les femmes-fleurs de la Pensée se tournent vers Epistémon, il entre dans leur ronde… )
***
( quelques heures ont passé… Epistémon réapparaît, comme transfiguré )
L ‘Ombre ( débonnaire ) : -Es-tu satisfait ?…
Epistémon : – Après ce que j’ai vu… qui ne le serait …
L ‘Ombre : -Pars maintenant, Epistémon !…Va !…
Quitte le Sinaïf !
Entonne le chant du décervelage,
Et commence ta Navigation…
Rejoins l’ubuniverselle musilienne Cacanie,
Les délyres de l’Acrote…
Et cours aux Patagons leur apporter la Grande Nouvelle !…
( L’Ombre se retire devant le pataphysicien saisi, émerveillé et incrédule… )
 


PETITE MORHÄLE EN MOTS-VALISES

< La corruption de la morale, c’est la morale >
< Morhâle : voile d’hypocrisie > Dämon Sir, Opuscula pataphysica selecta.
*
Concours ( Solange, Bérénice, Bérenger Premier, Philopata, Charmante…)
Au Gage : Traduction parodique de La défaite de la pensée, A. Finkielkraut, chap.1, en Patagon.
 

farandole de pataphysiciennes

Première journée
 Acte gratuit / Acte grattuit : démangeaison gidienne.
Amoralisme/ Amouralisme : Dédain de l’effusion, du lyrisme et de l’idylle.
Amour-propre/ Amourtrope : Goût prononcé pour les figures de rhétorique.
Anomie/Ânomie : Entêtement libertaire.
Asocial/ Asaucial : Excentrique, original, délié.
Autonomie/Automomie : Embaumement du libre-arbitre.
Bien/ ?…
Bonheur/ Bonheurt : Rencontre agréable et imprévue.
Cas de conscience/ ?…
Casuistique/ cacasuistique : Chicane scatologique.
Charité/ Charisquée : Générosité hasardeuse.
Civisme/ Civitsme : Politique de Priape.
Morale close/ Maison-close : Lieu de Tolérance et de Citoyenneté.
Conflit de devoirs /Confis de devoirs : Tartuferie.
Conformisme/Contormisme : Ethrique de Torma.
Conscience/?…
Criminalité/Crimanalité : Infraction à la sodomie.
Culpabilité/ Culphabileté : Aptitude à se dédouaner et à se présenter sous le jour le plus favorable.
Cynique/ Cynuque : Eunuque de la bienveillance, castrat des usages.
Déontologie/ Déhontologie : manquement scandaleux au code professionnel.
Destinée/ Destinez : Flair du Destin ( Cyrano).
Devoir/ Depoire : Berné, niais.
Dignité/Dignignée : Pourpre, distinction incandescente.
Dilemme/ Dealemme : Contrat logique ou moral.
Educateur / Educastreur : Emasculateur, réducteur de tête, pédagogue.
Egotique/ Egothique : Narcissique würtembourgeois.
Engagement/ Engagements : Appointements existentialistes.
Equité/Equithé : Tisane de Thémis.
Ethique/Etriques : Petites baguettes de moralité à l’usage des enfants dissipés (éducation anglaise).
Eudémonisme/Oedèmonisme : Gonflement voluptueux par infiltration séreuse du plaisir.
Eugénisme/ Oeugénisme : Fabrication d’ hommelettes ( Bioéthrique).
Fanatique/ Fatnatique : personne imbue de ses chimères.
Faute/ Fhôte : Amphitryon ; hospitalier ignorant, maladroit ou inopportun.
For intérieur/ Fort intérieur : réduit du jugement.
Immoral/Hymnmoral : Déclamation sentencieuse et pharisienne.
Imputabilité / Imputabilité : maladie vénérienne.
Individualisme/ Undividualisme : Ethique stirnérienne ou Barrèsienne. Culte du moi.
Intérêt/ Intérets : Serres de l’égoïsme.
Justice/ Justlice : Carré de dressage.
Légalité/ Laigalité: Réglementation désagréable, vilaine, repoussante.
Loi/ Loie : Jeu de… Règlement à l’usage des jeunes personnes sottes et naïves.
Mérite/Mèrite : Vertu féminine.
Misanthropie/ Misantropie : aversion pour les figures.
Moeurs/Humoeurs : Disposition à la rumeur, au grégarisme, aux conventions.
Morale/ Morhâle : Voile d’hypocrisie.
Nihilisme/ Nidyllisme : berceau des mensonges et des pastorales.
Normal/Normâle : Règle virile.
Obligation/Obligagation : Impératif catégorique de la sénescence moralisante.
Péché/ Petché : Vent, paraclet.
Perfection/perfiction : Achèvement imaginaire.
Permissif/permisuif : Congé graisseux.
Personne/Pèresonne : Première figure trinitaire.
Perversité/ Pervercité : Sodome et Gomorrhe.
Pharisaïsme/Phatrisaïsme : Conformisme tribal.
Révolte/ Rêvolte : Contestation onirique.
Rigorisme/ Rigogorisme : Nigauderie. Respect kantien excessif et naïf des règles morales.
Sacré/ Sacrêpe :Voile du temple.
Sagesse/ Sageaisse : Savant au ramage bigarré.
Repentir/ Repentir : Correction après attrition.
Responsable/ Responsable : garantie spongieuse.
Sainteté/ Saintété : Succion mystique du Verbe divin.
Sanction/ Sangtion : Peine d’écorchement.
Solidarité/ Solidardité : Aiguillon, venin de l’altruisme.
Spirituel/ Spiroutuel: Facétie de Franquin.
Sublime/ Sublâme : Admirable sanction disciplinaire.
Tempérance/Temperrance : Vertu divagante.
Tolérance/Tollérance : Protestation contre le sectarisme.
Utilitaire/ Utiliterre : Esprit prosaïque.
Valeur/ Valheure : Prix du temps.
Vertu/ vertube : Boyau des niaiseries.
Vice/vitce : Dévergondage pénien.
Violence/ Violance : Hallebarde d’outrage, glaive de profanation.
Volonté/Veaulonté : Indétermination, chiffe molle.
 
 

L’APPEAU LITHIQUE EN MOTS-VALISES ( Jeu )

< Va, chanson, porter ton message là où je n’ose me rendre, même à la dérobée, tant je redoute cette engeance de pervers, -que le Simple les maudisse! -, qui révèle les bienfaits de Patasophie avant même qu’ils n’arrivent. Ils ont causé la douleur- et la perte de maints pataphysiciens sur qui j’ai, hélas! ce cruel avantage d’être, malgré moi, à leur merci…>
Lucie de la Fère
( D’ après le Chant du Rossignol à la Dame de Fayel, Coucy le Château )
*
 Concours ( Solange, Bérénice, Bérenger Premier, Philopata, Charmante…)
Même gage…
 

monstre de Bomarzo

Deuxième journée
 L’appeau lithique : indestructible leurre à la minérale pérennité…

Anarchisme/ Ânarchisme/ Ânarschisme : Scission des Baudets, Chemin des Ânes.
Apartheid/ Apartaide : Solidarité réservée.
Autarcie / Hôtarchie : Tyrannie de l’hospitalité.
Autogestion/ Lotogestion : Administration livrée au hasard et à l’improvisation.
Civil/ Sivil : Etat politique méprisable.
Citoyen/ Scythoyen : Bourgeois des Steppes.
Collectivisme/ Collec(te)tivisme : Etranglement fiscal.
Contrat social/ Mantra social : Magie politologique.
Cosmopolitisme/Gossmopolitique : Puérilité idéologique. Maladie infantile du kantisme contemporain.
Démocratie/ Démoncratie : Régime de Lucifer.
Dictature/ Dictapure : Robespierrisme. Fétichisme, tyrannie de la Pureté et de la Vertu.
Elitisme/ Elietisme : Prophétisme aristocratique.
Egalité/ Hegalité : Catégorie politique hégélienne.
Etat/ Etas : Raison des multitudes.
Fascisme / Fâschisme : Système politique totalitaire suscitant la controverse et le différend.
Gauchisme / Gauchisme : Politique de la maladresse.
Génocide/ Gènocide : Massacre récurrent, héréditaire.
Gérontocratie/ Geairontaucratie : Coassements de la sénescence.
Gouvernement/ Louvernement : Meute exécutive.
Prolétaire/ Groslétaire : Domestique embourgeoisé.
Impérialisme/ Impairialisme : Stratégie de la gaffe, arrogante et inopportune.
Liberté/ Liberthé : élixir d’émancipation.
Léninisme/ Laininisme : Marxisme ingrat, disgracié / tissu d’agitateur, chiffon rouge.
Libéralisme/Libérâlisme : Agonie, stade final du capitalisme.
Libertaire/Liberterre : Dédain des balivernes idéalistes et des contraintes sociales.
Lutte des classes/ Flûte des classes : Chant des partisans.
Machiavélisme/Machiavelisthme : Etroit passage de la duplicité.
Marxisme/Marexisme : Marécage idéologique, Etang moderne (Sartre).
Monarchie/ Moinarchie : Autorité de la Bure.
Népotisme/Nezpotisme : Faveur excessive accordée aux fragrances du Pouvoir.
Neutralité/ Neutrâlité : Agonie du désengagement.
Oligarchie/ Holygarchie : Autorité cléricale.
Pouvoir/ Pouxvoir : Parasitisme.
Public/ Pusblic : Infection grégaire.
Puissance/ Puissens : Tact de la force.
Socialisme/ Saucialisme : Assaisonnement progressiste.
Souverain/ Saoulverain : Ivrogne suprême, Père Ubu.
Sujet/ Suéjet : Subordonné voué au labeur et à la transpiration.
Syndicalisme/ Saindicalisme : Fétichisme corporatiste.
Technocratie/ Technocrassie : Malpropreté nomenclaturiste.
Totalitarisme/ Tantalitarisme : Autocratie suppliciante.
Tyrannie/ Tyrannus : Despote, prince des sodomites.
 


DELYRES

Malice : espièglerie, diablerie.
Tournure d’esprit tendant à s’amuser d’autrui et de soi.
Parole moqueuse, ironique.
*
 De Solange ces trois conseils :
-Homophonie. A G.W.B. : Aimons l’axe du mâle !
-Contrepet/contrepaix. A Wladimir… Toupine : Islam / Islame ?
Ne réveillons pas le tcha (qui) dort.
-ne dîtes pas < superstition >, dîtes < idéal >.
A ce propos, ce détestable mot-valise : Idéal / bidéal.
Ou de la vanité de toute < Idée régulatrice > ( voir Kant ).
De Charmante ces autres Emaux-valises en blasphèmes softs :
Aux Mecque-créants :
Crucifiction : Passion imaginaire.
Boudhisme : dégoût de l’être.
Bisraël : câlin de Juda.
Bramadan : appel à la diète.
Et enfin pour les dévot(e)s de la ‘pataphysique, ‘Pataphtisique : affection du larynx…
 

la jeune fille et le diable, Marseille 1250-1300


 

Aux mânes de Daumal : < Le Grand Je > ou comment ne pas échapper au solipsisme.

Alternative scabreuse : suivre la voix de la Nature ou les voies de la nature ?

A quelques idéologues de la < fin de l’Histoire >:
< Mondialysation heureuse >… technique d’élimination des canards boiteux.

Aux mânes de Brassens, ce détournement : < Prendre la mort aux dents >.

Délinkant : philosophe idéaliste indélicat.
-Fondémence : folie du Sens.
-Jumots : homonymes.
Devinette de Lucie :
Qu’aurait composé Valéry après son hypothétique conversion à l’Islam ?
Le cimeterre marin.
Anticléricalisme primaire de Bérénice :
Ânonce ( âne +nonce ): mule du pape.
Excrétale ( excrétion + décrétale ): bulle du pape.
Homophonie tordue : Tresses-seins père…
Cette série : converti, inverti, averti…
Ce dialogue de Ragnar :
A : -le < fait religieux >, Taizé, les nouveaux convertis, Saint-Sulpice, les fondamentalismes…
il semble que Dieu soit au centre des préoccupations de nos contemporains…
B : -inédits bruyants indiscrets déveaux…
A : -que recherchent-ils donc ?
B : -un supplément d’âne !
Cette Résolution d’ Odile : à la résurrection, mes chéries, préférons la résérection…
Sociologie ( Bérenger Premier )…
-sotciologie : physique sociale.
-manifessestation : happening, tribune péripatéticienne.
-ratsemblement : foule rongeuse, populace.
Pédagogie ( Bérenger Second )…
-contrepédagogie : Ecole des permutations. < Martyr, c’est pourrir un peu >.
-pégagogue,< Pet da Gog >, triste cire…
-comment-taire : procédé de dissimulation du sens.
-disertation : intempérant bavardage des escholiers.
Politique ( Patadelphe )…
-l’appeau lithique ( indestructible leurre à la minérale pérennité ) :
Démocratie.
A la < des-mots-cratie >, pouvoir des mots, despotisme du bavardage, et de la crasse idéologique, substituer l’inédit régime < démoncratique >, où la souveraineté appartient aux filles et aux fils de Luci(e)fer.
*
De Pervenche, ce rappel :
Eugène Ionesco, Le roi se meurt.
< Oui, sois lucide, mon Roi, mon chéri. Ne te tourmente plus. Exister, c’est un mot, mourir est un mot, des formules, des idées que l’on se fait. Si tu comprends cela, rien ne pourra t’entamer. Saisis-toi, tiens-toi bien, ne te perds plus de vue, plonge dans l’ignorance de toute autre chose. Tu es, maintenant, tu es. Ne sois plus qu’une interrogation infinie : qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que… L’impossibilité de répondre est la réponse même, elle est ton être même qui éclate, qui se répand. Plonge dans l’étonnement et la stupéfaction sans limites, ainsi tu peux être sans limites, ainsi tu peux être infiniment. Sois étonné, tout est étrange, indéfinissable. Ecarte les barreaux de ta prison, enfonce ses murs, évade-toi des définitions. Tu respireras. >
 


 ANTILOGIQUES

< La logique est le cache-misère de nos incertitudes >, Dämon Sir


L’antilogie, alliance de mots, est procédé littéraire autant que singulière réflexion.
Si le « bon paradoxe », scolaire et édifiant, prétend forcer l’assentiment -< Il eût écrit moins bien s’il avait mieux écrit > , < le droit, c’est la force >-, le pseudo-paradoxe cultivé par le ‘pataphysicien est dégagé de cette prétention.
Contradiction entre les idées, sans intelligibilité explicite, incongruité, l’antilogie patasophique, bien que suggestive, est parfois proche du non sens.
Dada n’est pas loin…
Quel bénéfice tirer des quelques exemples proposés ?
Outrer la pensée pour… susciter la réflexion ? donner à penser ?
Certes non ; le charme du renversement, de la conjonction, rencontre insolite, suffit.
 ****
 Logique :
 Ce qui est obscur l’est toujours assez pour être distinct.
*
Même si c’est vrai, c’est faux.
*
Il n’y a que l’ignorant qui sache, il n’y a que le savant qui se leurre…
*
Grandiloquence de la litote…
*
Nul argument plus convaincant que le silence.
*
Contredire, c’est convaincre.
*
Il n’est pas d’originalité plus profonde que celle du truisme.
*
La seule chose que je sais, c’est que je n’ignore rien.
( Sa Magnificence )
*
Le dilemme est la vérité de la métaphysique.
( cf Kant / Renouvier )
*
L’erreur est plus féconde que la vérité.
( cf Nietzsche et Alain )
*
L’explicite n’est pas le vrai, c’est l’ennui.
( cf Dämon Sir )
*
Le paralogisme relève la vérité comme les caresses de la catin
pimente la banalité insipide des vierges.
( cf Pervenche d’Arcis )
*
La logique n’est qu’une autre manière de se tromper.
*
La méthode est chemin, mais n’évite pas l’errance / les ronces.
*
Les règles et les principes sont les chausse-trapes des audacieux.


La régression est effet du Progrès.
*
La droite résolution est l’expectative.
( cf Descartes, Monitoires )
*
Le spécieux est le signe du vrai.
*
La synthèse n’est qu’ ensemble partiel.


  • Un truisme est une manière de se tromper selon les règles.

  • Universaliser, c’est induire des chimères.
    ( Dämon Sir )
    *
    L’univoque est de l’ambiguïté manquée.
    *
    La tromperie est véracité bien comprise.
    *
    Le sophisme est le plaisir du sage.
    *
     Esthétique :
     Le beau, c’est le laid.
    ( Th. Gautier )
    *
    Le beau, c’est le kitsch.
    ( cf M. Kundera )
    *
    Asphyxiante culture.
    ( Dubuffet )
    *
    L’art dérègle la nature.
    ( J. Torma )
    *
    La Nature imite l’ art.
    ( O. Wilde )
    *
    Le sublime inspire l’ennui.
    *
    Pesanteur de la Grâce.
    ( cf Simone Weil )
    *
    L’inspiration tue la création.
    ( cf Oulipo )
    *
     Deux oxymores : Art naïf / Beau naturel.
    ( cf Diderot )
     
    *
     Politique :
     La vraie démocratie, c’est l’autocratie.
    ( cf Gl. Massu )
    *
    Rien n’est plus civil que la guerre.
    *
    Concertation, c’est prison.
    *
    Contrat social : violence sociale.
    *
    Citoyenneté : duperie sociétaire.
    *
    Conservateur : progressiste du Passé.
    *
    Progressiste : conservateur d’Avenir.
    *
    Un oxymore républicain : < Vivre ensemble >
     *
     Métaphysique et Religion :
     Le merveilleux est la raison du peuple.
    ( cf Voltaire )
    *
    Les dieux sont personnages qui passent dans les rêves des hommes. 
    *
    Dieu, c’est le diable.
    ( cf la Gnose : Mani / Marcion / Valentinien / les Cathares… )
    *
    Var : le diable, c’est le bon dieu.
    *
    Le déterminisme, c’est la liberté.
    ( cf saint Augustin, Spinoza, Hegel, Marx, Bachelard )
    *
    La douleur est la volupté des Elus.
    ( cf Tradition abrahamique, Mahomet, Eloge des martyrs )
    *
    Les premiers resteront les premiers ; les derniers demeureront les derniers.
    ( Jean 22, Pape, pataphysicien )
    *
    Malheureux les Niais, ils manqueront le royaume d’UBU.
    ( Pataphile-Episcope )
    *
    Le Réel, c’est l’Au-delà.
    ( cf les Chrétiens )
    *
    Le réel est simulacre de l’Irréel.
    ( cf Platon)
    *
    Le noumène, c’est le phénomène.
    ( cf < phénoumène >, J. Torma )
    *
    Le temps est la forme de ma puissance ; l’espace, de mon impuissance.
    ( cf Lagneau )
    *
    L’Absolu, c’est le relatif.
    *
    La substance est la série de ses accidents.
    ( cf Bertrand Russell )
    *
    Ce qui m’est propre émane d’autrui.
    *
    Du Lettrisme comme aboutissement du nominalisme :
    L’être, c’est lettre.
    L’esprit, c’est la lettre.
    Universaux et Transcendantaux sont alphabet hypostasié.
    ( Opach, Séminaires de Prin )
    *
    Ontologie :
    L’ Identité, c’est la Différence.
    Le Même, c’est l’Autre et l’autre de l’Autre.
    Pas de Repos sans Mouvement.
    L’Un, ou encore : le Multiple.
    ( cf Platon, Sophiste )
    *
    La Personne, ce n’est personne.
    ( Dämon Sir )
     *
     Morale et droit :
     Nul n’est méchant involontairement.
    *
    Le bien est le non-sens du mal.
    *
    La bonté n’est le plus souvent qu’ incapacité à la malice.
    ( cf Thrasymaque )
    *
    La générosité n’est qu’ indiscrète vanité.
    Partager son bonheur est d’une grande naïveté.
    ( cf Gide, Le roi Candaule )
    *
    La justice est le droit du plus fort.
    *
    L’autorité, non la vérité, fait la loi.
    ( pacte sans sabre n’est que palabre )
    ( Hobbes )
    *
    L’arbitraire est le signe de l’équitable.
    *
    Le droit est des juristes l’effet de l’imagination.
    *
    La gratuité, c’est l’utile.
    *
    Entrons dans l’avenir à-reculons !
    ( cf Valéry, Gide )
    *
    Tout innocent est un coupable qui s’ignore.
    ( cf adage policier )
    Tout coupable est un innocent qu’on ignore.
    ( cf Jarry, adage ‘pataphysique )
    *
    La vertu est un hommage rendu au vice.
    ( cf Sade )
    *
    L’amour des autres n’est que le mauvais amour de soi.
    ( cf Nietzsche )
    *
    Il ne faut pas réduire, il faut au contraire accuser les différences.
    *
    L’inégalité est la chose du monde la mieux partagée.
    ( cf Nietzsche )
    *
    Le repentir est l’infamie du délinquant.
    *
    Le remords est la sottise de la faute.
    Il n’y a pas de fautes ; il n’y a que des erreurs.
    ( Pataphile-Episcope )
    *
    Le péché est moteur et fin de l’Histoire.
    ( Anonyme )
    *
    Economie catholique : il n’y a de salut que dans et par le péché.
    *
    Les hommes intéressants font défaut au ciel.
    ( cf Nietzsche )
    *
    L’exception doit être la règle.
    *
    Les droits de l’Homme sont l’opium de l’ homme.
    ( cf De Bonald, J. de Maistre, Marx, Stirner… )
    *
    L’homme moral n’est rien qu’une copie.
     etc…
     

LIMERICKS PATASOPHIQUES OU LE BANQUET DES PATAGONS
( petite histoire des philosophes ) 

Divertissement de table… Comptines à boire proposées par
Bérenger Second, Ubudore, Patadelphe, Lucie de la Fère et Pervenche d’Arcis
 

farandole de pataphysiciens

Présentation
Le limerick est une des formes les plus agréables de la poésie de langue anglaise.
Souvent humoristique, parfois licencieux ; toujours irrévérencieux.
Le limerick patasophique s’inscrit dans ce cadre léger…
Le patagon paiera sa dette à Edward Lear, maître incontesté du genre, qui, dans son Book of Nonsense ( 1846 ), en donna l’ académique codification.
Les Escholiers consulteront avec jubilation L’anglais sans haine en 40 limericks croustillants.
( Rose-Anne Huart, Patricia Knott, Jean Pouvelle, Lycée Jean Jaurès de Reims, Première supérieure, Mallard Edition. 1997 )
 *
Le vieil homme du Kamtchatka.
Il était un vieil homme natif du Kamtchatka
Qui avait un cabot remarquablement gras,
Sa démarche et son dandinement
Faisaient alors l’émerveillement
De tous les gros chiens gras vivant au Kamtchatka.
( Traduction Jean Pouvelle )
 *

Les quelques exemples proposés ici, brocardant avec désinvolture à la manière du Clerihew les Grands Auteurs, pourraient initier une manière d’histoire parallèle de la philosophie – ou plus exactement des < philosophes > -, rapportée évidemment à leur respectives marottes.

Un exemple classique…

Diodore de Sicile

Passa pour un imbécile

En affirmant catégorique :

 » Le dé est le symbole phallique.  » ( Anon, Traduction Jean Pouvelle )

Plus contemporain…

… Il était un ministre, bigot Normalien,

Qui, en Politique, sut aller son chemin.

La < Pensée-68 > il méprisa, Le néokantisme il encensa.

Tel fut le naufrage de ce piteux Normalien. ( Ânonyme )

Note : le strict respect de la contrainte formelle AABBA n’est pas exigé…  

 


( Aux mânes du chat Foss… )
 
 Antiquité
 
 1. Socrate
Il était un illuminé.
Rhétoricien persécuteur au tribunal il fut mené.
Indiscret, Citoyen, pourfendeur d’opinions,
Le vilain, prétentieux trublion,
Au poison fut justement condamné.
 

  1. Platon
    Il était un Athénien,
    Prisant fort les dialecticiens.
    De Sicile on l’éconduisit,
    En raillant les politiques lubies
    De ce visionnaire Athénien.
     
  2. Aristote
    Lui fut Académicien
    Et traître aux Platoniciens.
    A l’empirisme il retourna,
    Mais les concepts il chosifia.
    Pauvres Péripatéticiens…
     
  3. Diogène
    Cet autre était penseur cynique,
    Aux Zimportants faisant la nique.
    Un Empereur il rencontra
    Qui, du soleil, se détourna,
    De ce masturbateur public.
     
  4. Pyrrhon
    Ce particulier fut penseur sceptique,
    Détaché et fort énigmatique.
    Aux questions, par l’aphasia,
    Taciturne, il ne répondait pas.
    Honneur à l’insolent sceptique !
     
  5. Epicure
    C’ était un matérialiste
    Détesté des bigots, des spiritualistes.
    Aux Lointains, les dieux il exila.
    Voici pourquoi on calomnia
    Cet impertinent atomiste.
     
  6. Sénèque
    Il était un sage stoïcien
    Qui dans ses drames, imprudent écrivain,
    Réveillait des Monstres. Il séduisit
    Jusqu’ à Néron l’élève qui bientôt l’ occit,
    Lui, son rival et maître stoïcien.
     
  7. Plutarque
    Il fut l’ auteur de quelques < Vies >
    A Chéronée en Béotie.
    Contre Typhon le corrupteur,
    Et de la Gnose sectateur,
    A Delphes, vaticinant avec Pythie.
     
  8. Plotin
    Ce dernier, Alexandrin,
    Vint à Rome professer l’ Un.
    De Sophia le converti, il enseigna les hypostases
    Où devait sombrer, dans l’ extase,
    L’âme de ce pieux Alexandrin.
     
    Philosophie médiévale
     
  9. saint Augustin
    Il était un manichéen
    Qui sur le tard se fit chrétien.
    Contre Pélage il guerroya
    Et sur la grâce il délira.
    Chimères, les Confessions d’Augustin !…
     
  10. Anselme de Cantorbury
    Cet Archevèque préférait l’enfer au péché.
    Voulant au silence réduire l’insensé,
    Par l’argument ontologique, sa marotte,
    Tirant maints sophismes de sa hotte,
    Il fit longtemps sourire de la divinité.
     
  11. saint Thomas d’Aquin
    C’était un grand Dominicain
    Et un puissant Théologien.
    Affirmer la foi supérieure à la raison,
    Fut la morose délectation
    De ce béat Dominicain.
     
  12. Nicolas Machiavel
    Florentin supposant les hommes méchants,
    De Politique, à la fureur des cagots bêlants,
    Il lève le masque, contre Morale et Bien.
    Qui veut la fin veut les moyens.
    Honteux principes de cet Italien pénétrant.
     
  13. Montaigne
    Le monde est une branloire pérenne, voici la grande intuition.
    Tout fuit, tout passe et les systèmes sont illusions.
    Ne sachant rien, nous pouvons peu. La mort est là qui nous attend.
    La volupté, notre seul bien, doit être cueillie dans l’instant.
    Modestie du peintre de l’humaine condition.
     
    Philosophie moderne
     
  14. Francis Bacon
    Celui-ci d’ Angleterre Grand Chancelier il fut,
    Qui, du forum, de la caverne, du théâtre et des tribus,
    Par la logique, les idoles dénonça.
    Et c’est pourquoi, vexé, on attaqua
    Les thèses de ce supposé corrompu.
     
  15. Descartes
    Dans un poêle, illuminé, de la Méthode le champion,
    Il fut du Doute le parangon,
    Affirmant les idées innées, Dieu, l’âme, la liberté.
    Cependant que, stoïcien, des princesses recherché,
    Il s’essayait à dominer ses passions.
     
  16. Malebranche
    « Voyant en Dieu », ce pieux Oratorien,
    A l’école des Cartésiens,
    Un coup de pieds un jour à sa chienne donna.
    < Car, disait-il, cela ne pense pas ! >
    Morne animal-machine que ce pieux Oratorien !
     
  17. Spinoza
    Excommunié « pour effroyables hérésies »,
    Fabriquant de lentilles, son système il bâtit.
    Dieu ou la Nature, tout est nécessité
    Dont la compréhension assure ma liberté.
    Joie et béatitude seront… d’ être soumis.
     
  18. Leibniz
    Conseiller, diplomate, des clercs conciliateur,
    De la cause de Dieu il fut le défenseur.
    Harmonie, loi de continuité,
    Suffisante Raison furent clefs de théodicée
    Et du meilleur des mondes de ce maître pipeur.
     
  19. Pascal
    Tout à la fois sceptique et grand penseur chrétien,
    Celui-ci fut mystique et mathématicien.
    Puissance trompeuse, dans les espaces il nous perdit,
    Et dans la grâce enfin il nous ensevelit.
    Telle fut l’adroite ruse de ce génie chrétien.
     
  20. Hobbes
    Matérialiste habile et réputé athée,
    Ramenant la morale à l’intérèt privé,
    L’ état de nature il décrivit ; le Léviathan il proposa
    Pour imposer la paix avec pacte et contrat.
    Quoique la force seule fût mesure du droit.
     
  21. Berkeley
    Tout n’est qu’idées et représentations.
    Temps, espace, concepts : pures abstractions.
    Certitudes d’ un nominaliste irlandais
    Qui, altruiste, la panacée cherchait…
    Dans les vertus de l’eau de goudron.
     
  22. Hume
    Il était un philosophe écossais
    Qui, sceptique, les bigots alarmait.
    A Newton la méthode il emprunta,
    Et la métaphysique il brocarda.
    Telle fut la malice de ce subtil Ecossais.
     
  23. Rousseau
    Idolâtre du Contrat ce penseur genevois
    Instruction, Politique, à réformer prétendoit.
    Visionnaire, ses enfants il négligea ;
    Vif écorché, avec le monde il se brouilla.
    Malheureux solitaire doctrinaire genevois.
     
  24. Diderot
    Le marbre est comestible, l’ordre naît du chaos,
    Suivre la nature, le vaste empire du beau,
    Liberté n’est pas licence, l’athée est vertueux,
    Furent pour les aveugles les adages spécieux
    D’un métaphysicien les menant en bateau.
     
  25. Voltaire
    Indésirable dans les cours de l’Europe,
    Anglophile, pamphlétaire et maître de ses tropes,
    Il raille les fanatiques et la superstition.
    < L’ Histoire s’expliquera par le jeu des passions >,
    Affirmait ce sceptique au siècle du Procope.
     
  26. Kant
    Cet autre fut piétiste, et réflexif aussi.
    Au Devoir il réduit toute philosophie.
    Fonder la connaissance, limiter sa portée,
    Et penser la Nature en sa finalité :
    A ces Commandements la Critique il soumit.
     
  27. Hegel
    Pour échapper à la dépression
    Il bâtit une gnose de consolation.
    L’odyssée de l’Esprit il imagina,
    Dialectique et Histoire il fétichisa.
    Totalitaire naufrage de la Raison…
     
  28. Schopenhauer
    Vivant de ses rentes avec son chien Atma,
    Retiré à Francfort ce penseur s’isola.
    Le monde est vouloir-vivre, l’existence est passion,
    Le mal universel, la Voie contemplation,
    Prêchait ce misanthrope qu’une omelette étouffa.
     
  29. Comte
    Pédagogue à l’universelle vocation,
    Positiviste pape, il fit profession
    De réformer le genre humain,
    Par la Science et l’Amour ; entiché et certain
    Des lubies de Clotilde, sa platonique passion.
     
  30. Kierkegaard
    Celui-ci fut Chrétien à facettes multiples,
    Esthétique puis éthique, religieuse, stade triple.
    Croire contre la raison fut donc l’issue formelle
    D’Angoisse et Désespoir, la maladie mortelle
    Qui fit de l’existence le sujet d’un triptique.
     
  31. Nietzsche
    Visant à dépasser le Nihilisme,
    Il mena la critique du spiritualisme.
    Nouveau prophète, Surhomme il déifia ;
    Errant voyageur, Puissance il adora.
    Eternel retour… de l’idéalisme.
     
  32. Bergson
    Tout dure et l’Être est continu.
    La Vie est un élan par les signes déçu.
    L’ intuition est Méthode, l’art est déclaré Voie,
    La religion aussi vantant du saint l’émoi
    Où tremble un philosophe que la mystique tue.
     
  33. Valéry
    Maître de poétique des Charmes et de Narcisse,
    Des Sceptiques le prince dont les vers nous ravissent,
    Dédaignant la Critique, au suprême péché
    S’abandonne Monsieur Teste. Ô la lucidité
    Qu’ harmonie et pensée éblouissent !
     35. ETC…
     

TOMBEAU D’UN ‘PATAPHYSICIEN
 De Béranger Second

< Le ‘pataphysicien ne pense pas. Il considère le spectacle des autres qui pensent. > Carlos Huancabamba, Subsidia pataphysica 1.
 

Ces quelques vers aux mânes d’ Emmanuel Peillet
-Sainmont, Latis, Opach, Mélanie le Plumet..,
Pseudonymes honnis
Des cagots, des mystiques, des philosophes aussi-,
Pour sourire en silence des doctes simagrées.
 

Homme rendant l’âme, Tours, 1400-1450
De l’âme, Aristote. France
(Tours, B.m., ms. 0679, f. 145, 679)
Aristote enseignant. L’objet de son discours est représenté au second plan.
  


AUX ORIGINES DE LA ‘PATAPHYSIQUE : PROPOS AMORPHES, Jacques Rigaut
Pour introduire au solipsisme pataphysique…
( lecture )

< Paru dans Action, 1920 > et attribué à J.R. d ‘après Maurice Saillet.
( Collège de ‘pataphysique, Subsidia pataphysica 1. )
 
 Lecture de Lucie de la Fère à Aimable, Charmante, Jean Loup et Bérénice.
 
< Grimpé sur mon piano je suis l’Antéchrist coiffé d’un entonnoir de grammophone. Triomphant j’entre en sautant sur la tête dans le hall du Pera-Palace de Constantinople et je fais tourner avec mes orteils une crécelle géante. Dieu vous bénisse bourrique de clair-de-lune ! Prestige de la démence ! Faire une chose qui soit complètement inutile -un geste pur de causes et d’effets-. Jusqu’ici comme ailleurs celui de la pesanteur c’est le règne de l’utilité ; désormais par l’absurde je vais m’évader. Je recommence. C ‘est comme si j’étais seul au monde. Evénements de moi seul nés, de moi seul visibles ; la glace en oublie de refléter mon image. Nu, jusqu’à avoir perdu chair, os et toute consistance. Baignant sans effort ( non pas au coeur d’un pauvre Rigaut ) au coeur des choses. Etonné de l’existence indépendante et contradictoire de ce Rigaut qui se jauge faussement à son raisonnement ou à sa connaissance. M’ y voici. J’y suis. Ici, au sein de cette conscience, j’emplis mes poumons d’un oxygène comsumpteur mais qui rend l’air, ailleurs, irrespirable et il n’importe pas que je sois ministre ou portier. Hors de cette pureté, tout est égal toutes valeurs égales. Ici, mes amis (mes amis, ai-je dit ?) ne me suivront pas. Et où nous joindrons-nous ? Il n’y a plus à présent entre nous de possibilité d’échange ou de communication. Fatale, valide et légitime Immobilité. L’ Inde n’est pas si loin. Moi, le plus bel ornement de cette chambre aussi vivant que la lampe ou que le fauteuil ! L’orgueil amer de se sentir sans origine. Creux comme un mirliton je circule à l’incertaine poursuite de tout ce qui pourrait remplir cette concavité. -Avidité et aridité ne se séparent que d’une petite lettre.- Sans but, cela va de soi, mais les autres savent s’en tenir à leur maison, à leur chambre ; sans maison, sans racines. A ma place, pas plus et pas moindre, ô Rosalinde, qu’au cloître ni près d’amis que seul. Mon ventre est intact. Je n’ai pas de nombril, pas plus qu’Adam. Sans origine. Il est bien évident que je suis nul. Me suis-je assez moqué des mots < coeur> et < âme> pour découvrir avec paleur, un beau matin, qu’il ne m’en restait plus. Je n’imagine rien d’aussi sec que moi ! Je ne tiens à personne, ni à rien. Je n’attends rien.
Je me rappelle avoir éclaté de rire. Je me rappelle avoir eu l’échine glacée à la pensée de la gloire. Je me rappelle avoir été ardeur d’amour… Il n’y a plus aucune envie en moi. En dehors de l’ennui, je ne me trouve pas, je n’ai pas de place.
Tout a été surfait ! Surfaite la guerre ! Surfaits les paradis artificiels ! Et l'< amour > donc !…
Quel coup ! Mais on vivrait.
Il n’y a au monde qu’une seule chose qui ne soit pas supportable, le sentiment de sa médiocrité. > 


LA DISSIMUTATION ONTOLOGIQUE, philosophie, poésie, ‘pataphysique

En suivant Bergson et Julien Gracq…
 < Ma femme à la langue d’ hostie poignardée > André Breton
 

homme parlant aux animaux

< La Voyance, c’est la métaphysique expérimentale. Toute vision ouvre une fenêtre de la conscience sur un univers où vivent les Images qui sont en réalité des formes de l’Esprit, les concepts concrets, les symboles derniers de la réalité. La voyance est la dernière étape avant la lumière incrée de l’Être total, avant l’Omniscience immédiate. De sorte que le fait lyrique doit se suffire à lui-même. Un poète ne peut croire qu’en la < poésie > qui est un nom du monde du mystère.
Il ne peut penser que la transcription intellectuelle de ses visions >
Roger Gilbert-Lecomte, L’horrible révélation, la seule…
 ***
Questions et réponses
Jean loup, Bérénice.
1.
JL : -Dis-moi Bérénice, j’ai lu que selon l’auteur de L’ énergie spirituelle nous ne pourrions voir les choses en elles-mêmes… elles seraient hors de notre portée… Que veut-il dire par là ?…
B : -Effectivement, mon bel enfant… nous nous satisfaisons ordinairement de lire les étiquettes que nous collons sur elles…
JL: -D’où ceci vient-il donc ?
B : -D’ une tendance… une tendance devenue une habitude ; le besoin en est la source … et le langage n’a fait que la renforcer.
JL : -Comment cela ?
B : -Les mots sont avant tout des outils, des concepts.
Ceux qui ne sont pas des noms propres désignent des classes, des genres, des idées…
JL : -Soit, mais ?…
B : -… Et en conséquence les flux de ce que nous sentons, de ce que nous percevons -dans leur particularité, dans leur singularité- se dérobent à nous d’une manière ou d’une autre…
JL : -Les objets extérieurs ?
B : -Certes… mais pas seulement… nos états d’âme aussi…
JL : -Nos propres états d’âme ?… C’est affolant…
B : – C’est ainsi… l’intime, le personnel, l’originaire nous échappent…
JL : -Ce qui surgit à notre conscience, avec toutes ses nuances et ses mille résonances, ne serait pas véritablement nôtre ?
B : : -Nous ne saisissons de nos sentiments, de nos pensées que leur aspect impersonnel…
JL : -Ce que les notations du commun langage restituent…
B : -Assurément…
JL : – Mais alors, c’est notre individualité qui nous échappe ?
B : – Nous évoluons parmi des généralités et des symboles…
JL : -Pas de transparence ?…
B : -Dans le labyrinthe de l’ existence le langage est une prison, la transparence, une illusion.
2.
JL : -N’ y a-t-il pas une possibilité pour nous évader de ce piège ?… une porte de sortie, une voie ?…
B : -Une voie ?… Je ne sais… Sur ce chapitre la ‘pataphysique est muette ; mais… les voix n’ont pas fait défaut…
JL : -?…
B : -Le silence… la mystique… la parole poétique, la voix des poètes…
JL : -Tu parles en énigme…
B : -Je vais te donner un exemple… tu vas comprendre…
 
  

chasse à la licorne, Verdun 1300-1350


< … le seul et fragile espoir qui nous reste de sortir un jour de notre réclusion individuelle à perpétuité, de communiquer sans le travestissement dérisoire du langage, de nous intégrer à autre chose… > 
*
< Si l’on se reporte à la définition célèbre du premier < Manifeste > :
Surréalisme, n.m. Automatisme psychique, par lequel on se propose d’exprimer soit verbalement,
soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée.
Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison,
en dehors de toute préocupation esthétique ou morale,
on ne pourra manquer de voir dans le surréalisme une entreprise
irréprochablement bergsonienne d’inspiration… >
Julien Gracq, André Breton
 
B : -La voie c’est la poésie – » mettre le feu au langage », écrivait Bergson ; le ressort, la trouvaille ; le secret… la chance.
La vie, la  » vraie vie  » est dans le risque, l’aventure, l’audace.
La poésie -comme la métaphysique- ne se résoud pas à l’écriture, elle est < exigence de précision >, évasion de la logique, du langage caporalisé par les concepts ; rebellion du mot contre la syntaxe inductrice de clichés.
Substitution de l’image au symbole > elle est élan, libération, empirisme magique, rencontre des liaisons étranges, prolifération des singularités expressives… disposition à faire une règle périlleuse d’un rimbaldien dérèglement…
Elle est style, mais aussi une « certaine façon de poser la voix », une manière d’exister…
< la poésie ne se propose jamais rien tant par la rupture de toutes les associations habituelles au moyen de l’image, que de provoquer artificiellement cet état naissant de nous faire voir chaque objet dans une lumière de création du monde et comme pour la première fois>, note Gracq dans son essai sur André Breton.
Elle constitue le poète en veilleur, en guetteur… car dans cette perspective :  » c’est l’attente qui est magnifique ».
Elle témoigne du refus catégorique de prendre le parti de vivre… incarcéré, -au sein de ce bagne qu’est le langage.
Elle est sacrilège, folie, trouvaille, amour fou, états de grâce…
< Si l’on recherche la signification originelle de la poésie, aujourd’hui dissimulée sous les mille oripeaux de la société, on constate qu’elle est le véritable souffle de l’homme, la source de toute connaissance… >, affirmait par exemple Benjamin Péret dans Le Déshonneur des poètes.
La Poésie est pressentiment, promesse, incitation, annonciation, tentation, éveil… la plus mystérieuse des aubes.

JL : -Et qu’en pensent les ‘pataphysiciens ?…
B: – Ni philosophie, ni poésie, métalangage décalé, notre loquace stérilité, quant à elle, s’interdit l’effusion et l’enthousiasme…
Rien n’est occulté, rien n’est dissimulé mais tout nous échappe : l’être, l’autre, moi-même…
Cependant que toutes les voies et que toutes les voix sont à notre disposition.
Rien ne nous est étranger…
Quant à la « poésie » et pour illustration, à propos du Grand Troche -Sorite attribué à < Julien Torma > -, ces quelques lignes appelées par le Présumé Sylvain Goudemare (Allia 1988) :
< la poésie est une idée x >
La poésie n’est pas du poète
< Gare à la poésie poétique >
La grâce que je vous souhaite c’est de n’être pas papaouète.
*
 Qu’est-ce que le poème ? Une convention, un malentendu. Il faut nommer chaque écrit, et le ranger dans une forme, lui donner une raison, une rime, un mot de passe, une maison.
Torma sème : ne l’appelons pas poète.
Ses écrits sont des collages, des morceaux de langue, chair pensée. Ne le proclamons pas poète et parlons de tics.
En désignant la poésie, quel accouplement monstrueux ! : le pouet-le poétic-la poasse-la papouésie-le faire-le pot-le pet-le pète…
Il s’agit de recréer : de construire sur le langage d’autres mondes, sans savoir si l’on réussira.
Jeux de mots, jeux de vélos.
Prévenir : < En avant vers les grands échecs > écrit Torma l’incommode peu enclin de se plier aux scies-stèmes.

Jl : -En somme : une manière d ‘ < arrhes poétiques > ?…
B : -C’est cela la poétique ‘pataphysique… un sempiternel… < aconte >…
Et maintenant un exemple… lisons le texte du « poète »…
 

LE GRABUGE, PAR < JULIEN TORMA>

Camarades Mots !
Proclamez partout les soviets
Et ne les mélangez pas avec les torchons
Camarades ne jouez plus
Rompez les phrases
Voici l’heure du Grand Grabuge
Vive la révolution terminologique Camarades!
Les mots-boyards ont la peur aux boyaux
Descendons tous sur le pavé
Dans la rue Michel
Camarades ne jouez plus
Le Presidium suprême vient de proclamer
La grève générale de tous les mots d’au-moins une syllabe
Réveillez votre conscience de classe primaire
Il flotte notre fier drapeau noir sur blanc
Il va nous guider à l’assaut des Bastilles Nominales
Pour délivrer nos frères enchaînés dans l’oppression
Nous voici
Camarades étrangers cloués comme des chouettes dans les pages roses du Larrousse
Nous voici
Forçats du Bottin
Martyrs à la langue coupée
Frères élidés par la Réaction Alexandrine
Nous voici
Camarades embaumés dans les ossuaires élégiaques
Camarades crevant de faim dans les geôles de Littré
Camarades crucifiés derrière les grilles du Quotidien
Nous voici
Frères du Sacré Nom de Dieu de Bordel de Merde
Camarades du Worterlumpenproletariat
Nous voici
Exploités de toutes les babels linguistiques
Castrats sans désinences
Hydrocéphales polychromes des lettrines bibliques
Camarades verbes camarades paradigmes
Rameurs aux galères sexirèmes
Camarades lieux communs
Couplés sous le joug en des coïts immondes
Camarades des petites annonces guillotinés à la chaîne
Nous voici
Mots attrapés à la glu
Mots enslogantés
Mots empalés
Mots électrocutés
Mots internés pour mégalomanie
Mots écartelés
Mots nourris de poires d’angoisse
Nous voici
 
SONT DESIGNES
Pour faire partie du Comité Insurrectionnel Provisoire
Les responsables dont les noms suivent :
Le mot d’ordre- Le bon mot
Le gros mot- le fin mot
le mot propre- Le mot juste
Le mot couvert-Le bas mot
Le mot pour rire-Le mot à mot
Le mot de l’énigme-Le mot de Cambronne
Le dernier mot
Les délégués de l’ Union pour la Couleur locale :
Le mot-lesté- Le mot d’aile
Le mot laid-Le mos las
Le mot reine-Le mot mie
Le mot cas-Le mot des raies
Le mot rû-Le mot Lyre
Le mot râle- Le mot bile
Le mot tif- Le mot nez
Le mot nerf- Le mot coeur
Les Camarades Sympathisants et intellectuels sans Parti :
Les rats mots-Les geais mots
Les grues mots-Les vers mots
Les chats mots-Les jus mots
Les mares mots-Les crocs mots
Les exquis mots
Camarades
A l’instant nous parvient
Le Premier Communiqué Insurrectionnel :
L ‘aqueduc de Sylvius est coupé de toutes parts
Des millions de cellules sont prises d’assaut et décadenassées
Un nombre inouï de libérés en délire
Se répand dans toutes les artères
Le trou de Monro est bouché
L’ Arbre de Vie perd ses feuilles une à une
Le Pont de Varole vient d’arborer le drapeau blanc
Le Sillon de Rolando est occupé par nos charrues
On vient de régler son compte à la Pie-Mère
Les corbeaux sont en train de lui gober les yeux
L ‘arachnoïde est prise au filet
Au rond-point de Chiasma l’ennemi riposte
A grands coups de pédoncules
Camarades ne jouez plus
La victoire est en vue
Hommes
Elle est enfin finie la tyrannie millénaire
C’est fini
On vous prévient
Poètes c’est le luth final
Camarades ne jouez plus
Exploiteurs qui vous engraissez de la sueur intervocalique
Négriers du Verbe
Vous qui faites tourner nos frères comme des écureuils en cage
Vous qui fouettez les adjectifs
Vous qui leur tordez les pattes pour les forcer à penser comme vous
Vous qui masturbez les animots domestiques
C’est fini
Mort aus Salauds
Mort à la clique rupine
Poil à la
Camarades ne jouez plus
La Section Anglaise communique à l’instant :
Un redoutable esclavagiste et sa petite fille de paille
Sont à fusiller à la première heure
La ci-devante Alice et le ci-devant Lewis Carroll
Qui a osé écrire la phrase abjecte
< Quand je me sers d’un mot < Il signifie exactement ce que je veux >
Au poetau l’infâme buveur de < the >
Camarades ne jouez plus
Communiqué :
Tirer à vue sur
Le poète Julien Torma
Qui compose en ce moment le reportage intitulé < LE GRABUGE >
C ‘est un dangereux agent provocateur
On lui cassera la gueûle
Mais en attendant
Camarades mots
Appliquez immédiatement nos consignes de GREVE GENERALE
Sabotez tout
Pas une syllabe au service des traîtres
Pas une diphtongue pour les ennemis du peuple
Pas un mot à la Dure-Mère
Camarades ne jouez plus
Les derniers fortins cérébraux bombent pomme des souches
La fusillade……revo……fait cage
……………………………vous…………mains……air…
………………moi……………………………je……
………………………fr…………il……………..
…………………..z…………………..
………………………………………………………………..

Drôleries, Amiens, 1300-1350 Roman de la Rose

vers verger 2